Il a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 mais c'est au Sénégal que Hissène Habré est décédé hier, mardi 24 août, à l'âge de 79 ans. Il y purgeait une peine de prison à perpétuité, après avoir été condamné pour crimes contre l'humanité en 2016 par les chambres africaines extraordinaires. Notre invité ce matin est l'historien tchadien Arnaud Dingammadji, qui a aussi été expert auprès des Chambres africaines extraordinaires (CAE) , lors du procès de l'ancien dirigeant.
Il a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 mais c'est au Sénégal que Hissène Habré est décédé mardi, à l'âge de 79 ans. Il y purgeait une peine de prison à perpétuité, après avoir été condamné pour crimes contre l'humanité en 2016 par les chambres africaines extraordinaires. Notre invité ce matin est l'historien tchadien Arnaud Dingammadji, qui a aussi été expert auprès des chambres africaines extraordinaires, lors du procès de l'ancien dirigeant. Il répond aux questions de Magali Lagrange.
RFI : Dans la mémoire tchadienne, quelles traces reste-t-il des années Hissène Habré aujourd’hui ? Que représente-il ?
Hissène Habré, en tant que chef d’État était un homme à double facette. Il était à la fois un dictateur sanguinaire, le côté le plus connu. Ses huit ans de règne au Tchad ont laissé de douloureux souvenirs. Par exemple, l’évocation du nom d’Hissène Habré fait penser aux 40 000 morts qu’on lui reproche. Hissène Habré, ce sont les prisons, les crimes de sa police politique, la fameuse DDS, la répression de septembre noir qui a endeuillé tout le sud du Tchad entre 1983 et 1985. C’est aussi des charniers découverts çà et là. Ça c’est le côté sombre du personnage. Mais Hissène Habré a aussi un côté lumière si je puis dire.
Pouvez-vous donner des exemples de choses qui ne sont pas noires à vos yeux.
En premier lieu, on peut noter sa posture radicale par rapport aux ambitions de Kadhafi. Le colonel Kadhafi, le dirigeant libyen, avait des visées expansionnistes sur le Tchad, et ce depuis la fin des années 60, depuis le temps de Tombalbaye. Mais tous les chefs d’État qui ont précédé Habré au pouvoir ont été incapables de freiner, sinon de mettre un coup d’arrêt aux visées hégémoniques libyennes sur le Tchad.
En revanche, Hissène Habré a fait de l’anti kadhafisme l’axe principal de sa politique. Et c’est grâce à lui que le Tchad a pu bouter hors du pays les troupes d’occupation libyennes.
C’est aussi cette posture qui lui a valu des soutiens internationaux. Quels ont été ses soutiens, et comment la communauté internationale s’est-elle positionnée par rapport au régime d’Hissène Habré ?
Le discours anti libyen d’Hissène Habré a fasciné les puissances occidentales. En premier lieu, les États-Unis, et la France lui ont apporté tout le soutien nécessaire. Il y avait aussi quelques pays du Golfe. C’est grâce à l’aide de ces pays qu’Hissène Habré a pu arriver au pouvoir. Ses soutiens pensaient effectivement qu’en plaçant Hissène Habré au pouvoir, on aurait un allié capable de barrer la route aux visées de Kadhafi sur le Tchad et sur l’Afrique sahélienne.
Hissène Habré n’a pas trahi cette confiance des puissances occidentales, puisque durant tout son régime, il a pu utiliser ses soutiens pour arriver à son objectif principal, qui était de débarrasser le Tchad de l’occupant libyen.
Il est tombé parce qu’il a été lâché par des puissances étrangères ?
Exactement, il a été lâché, parce qu’à l’époque, c’étaient les dernières années de la guerre froide. Hissène Habré avait été soutenu parce que l’on pensait que Kadhafi était le pion du Kremlin en Afrique. Mais avec l’effondrement du mur de Berlin, on sentait que la fin de l’URSS était proche et Hissène Habré ne servait plus à rien.
Aujourd’hui, comment la mémoire d’Hissène Habré est-elle utilisée dans le débat public au Tchad ? Est-ce qu’il y a des personnes par exemple qui se revendiquent de lui, ou est-ce un tabou ?
On entend beaucoup plus les victimes d’Hissène Habré qui se remémorent toujours les crimes perpétrés sous son régime. Ses partisans sont pour le moment inaudibles. Très peu de gens se prononcent sur son régime, sur ce qu’il a apporté de positif au Tchad, alors qu’en réalité Hissène Habré est une figure, un homme d’État à double facette.
Vous avez participé également à son procès, en tant qu’expert auprès des chambres africaines extraordinaires. Qu’est-ce qui a fait de ce procès, un procès à part ?
C’était la première fois qu’un chef d’État africain était traduit en justice pour des faits commis lorsqu’il était à la tête d’un État. C’est une façon de prévenir la répétition de cas d’autres Habré en Afrique. Pour moi, c’est un procès exemplaire et un procès aussi à caractère historique.
Le gouvernement tchadien dit qu’il ne s’opposera pas au rapatriement de sa dépouille si sa famille souhaite qu’il repose au Tchad. Pensez-vous qu’il est important d’un point de vue historique que son corps retourne dans son pays ?
Oui, je pense que c’est normal que le corps d’Hissène Habré puisse reposer dans son pays. Après tout, c’est un fils du Tchad, même s’il a été condamné, je pense que c’est tout à fait normal qu’il soit enterré dans son pays, mais cela moyennant quelques précautions. Si on l’enterre n’importe où, je crains qu’il y ait des gens mal intentionnés qui puissent chercher à profaner sa sépulture.
Il a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 mais c'est au Sénégal que Hissène Habré est décédé mardi, à l'âge de 79 ans. Il y purgeait une peine de prison à perpétuité, après avoir été condamné pour crimes contre l'humanité en 2016 par les chambres africaines extraordinaires. Notre invité ce matin est l'historien tchadien Arnaud Dingammadji, qui a aussi été expert auprès des chambres africaines extraordinaires, lors du procès de l'ancien dirigeant. Il répond aux questions de Magali Lagrange.
RFI : Dans la mémoire tchadienne, quelles traces reste-t-il des années Hissène Habré aujourd’hui ? Que représente-il ?
Hissène Habré, en tant que chef d’État était un homme à double facette. Il était à la fois un dictateur sanguinaire, le côté le plus connu. Ses huit ans de règne au Tchad ont laissé de douloureux souvenirs. Par exemple, l’évocation du nom d’Hissène Habré fait penser aux 40 000 morts qu’on lui reproche. Hissène Habré, ce sont les prisons, les crimes de sa police politique, la fameuse DDS, la répression de septembre noir qui a endeuillé tout le sud du Tchad entre 1983 et 1985. C’est aussi des charniers découverts çà et là. Ça c’est le côté sombre du personnage. Mais Hissène Habré a aussi un côté lumière si je puis dire.
Pouvez-vous donner des exemples de choses qui ne sont pas noires à vos yeux.
En premier lieu, on peut noter sa posture radicale par rapport aux ambitions de Kadhafi. Le colonel Kadhafi, le dirigeant libyen, avait des visées expansionnistes sur le Tchad, et ce depuis la fin des années 60, depuis le temps de Tombalbaye. Mais tous les chefs d’État qui ont précédé Habré au pouvoir ont été incapables de freiner, sinon de mettre un coup d’arrêt aux visées hégémoniques libyennes sur le Tchad.
En revanche, Hissène Habré a fait de l’anti kadhafisme l’axe principal de sa politique. Et c’est grâce à lui que le Tchad a pu bouter hors du pays les troupes d’occupation libyennes.
C’est aussi cette posture qui lui a valu des soutiens internationaux. Quels ont été ses soutiens, et comment la communauté internationale s’est-elle positionnée par rapport au régime d’Hissène Habré ?
Le discours anti libyen d’Hissène Habré a fasciné les puissances occidentales. En premier lieu, les États-Unis, et la France lui ont apporté tout le soutien nécessaire. Il y avait aussi quelques pays du Golfe. C’est grâce à l’aide de ces pays qu’Hissène Habré a pu arriver au pouvoir. Ses soutiens pensaient effectivement qu’en plaçant Hissène Habré au pouvoir, on aurait un allié capable de barrer la route aux visées de Kadhafi sur le Tchad et sur l’Afrique sahélienne.
Hissène Habré n’a pas trahi cette confiance des puissances occidentales, puisque durant tout son régime, il a pu utiliser ses soutiens pour arriver à son objectif principal, qui était de débarrasser le Tchad de l’occupant libyen.
Il est tombé parce qu’il a été lâché par des puissances étrangères ?
Exactement, il a été lâché, parce qu’à l’époque, c’étaient les dernières années de la guerre froide. Hissène Habré avait été soutenu parce que l’on pensait que Kadhafi était le pion du Kremlin en Afrique. Mais avec l’effondrement du mur de Berlin, on sentait que la fin de l’URSS était proche et Hissène Habré ne servait plus à rien.
Aujourd’hui, comment la mémoire d’Hissène Habré est-elle utilisée dans le débat public au Tchad ? Est-ce qu’il y a des personnes par exemple qui se revendiquent de lui, ou est-ce un tabou ?
On entend beaucoup plus les victimes d’Hissène Habré qui se remémorent toujours les crimes perpétrés sous son régime. Ses partisans sont pour le moment inaudibles. Très peu de gens se prononcent sur son régime, sur ce qu’il a apporté de positif au Tchad, alors qu’en réalité Hissène Habré est une figure, un homme d’État à double facette.
Vous avez participé également à son procès, en tant qu’expert auprès des chambres africaines extraordinaires. Qu’est-ce qui a fait de ce procès, un procès à part ?
C’était la première fois qu’un chef d’État africain était traduit en justice pour des faits commis lorsqu’il était à la tête d’un État. C’est une façon de prévenir la répétition de cas d’autres Habré en Afrique. Pour moi, c’est un procès exemplaire et un procès aussi à caractère historique.
Le gouvernement tchadien dit qu’il ne s’opposera pas au rapatriement de sa dépouille si sa famille souhaite qu’il repose au Tchad. Pensez-vous qu’il est important d’un point de vue historique que son corps retourne dans son pays ?
Oui, je pense que c’est normal que le corps d’Hissène Habré puisse reposer dans son pays. Après tout, c’est un fils du Tchad, même s’il a été condamné, je pense que c’est tout à fait normal qu’il soit enterré dans son pays, mais cela moyennant quelques précautions. Si on l’enterre n’importe où, je crains qu’il y ait des gens mal intentionnés qui puissent chercher à profaner sa sépulture.
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