Au Soudan, les discussions avancent entre les représentants du mouvement de contestation civile et le Conseil militaire de transition. À quelques heures d'une marche géante promise par l'opposition dans les rues de Khartoum ce jeudi 25 avril, une réunion s'est tenue mercredi soir au siège de la présidence. Résultat : les militaires annoncent un « accord avec la plupart des exigences » des leaders de la contestation.
C'est avant tout un accord pour continuer à discuter. Ce qui était à craindre ces derniers jours, c'était la rupture des pourparlers entre la coalition civile représentant le soulèvement populaire et la junte militaire qui a renversé l'ancien président Omar el-Béchir.
Ce mercredi soir, les deux parties sont convenues d'abord d'établir un comité mixte pour résoudre leurs différences. La feuille de route reste la même : le transfert du pouvoir aux civils, réclamé par la rue comme par l'Union africaine qui, rappelons-le, a menacé de suspendre le Soudan si tel n'était pas le cas.
Au terme de la rencontre de mercredi soir, le porte-parole du Conseil militaire a affirmé à la télévision que les hauts gradés qui gouvernent le pays avaient trouvé « un accord avec la plupart des exigences » de la coalition civile.
Un comité mixte
C'est un comité commun formé des membres du Conseil militaire et de représentants de protestataires qui a vu le jour suite à la reprise des discussions. La mission de ce comité sera de discuter les points de blocage et de trouver des solutions rapides.
L'opposition considère que c'est un pas pour « restaurer la confiance ». Les forces pour la liberté et le changement ajournent donc, pour l’instant, l'annonce de leur liste pour le pouvoir civil transitionnel, jusqu'à trouver un accord global avec le conseil militaire transitoire. L'opposition dit avoir un programme politique complet pour la période à venir, programme déjà transmis au Conseil militaire.
Elle réclame un Conseil civil intégrant quelques éléments militaires. Ce conseil nommera le gouvernement transitoire sensé dirigé le pays pour une période de quatre ans.
Des démissions
Et, signe que les civils sont parvenus à faire avancer leur point de vue, dans la foulée trois figures controversées de la junte ont démissionné ; controversées parce que jugées trop proches de l'ancien régime. Il s'agit notamment du général Zineladine, le chef du comité politique du Conseil militaire, et de deux autres membres, dont le chef de la police.
On attend des centaines de milliers de personnes ce jeudi dans les rues de Khartoum. L'opposition avance, elle ne va sans doute pas relâcher la pression.
? Reportage : la « marche du million » ce jeudi
La coalition des partis d’opposition a appelé ce jeudi à une « marche du million » pour faire pression sur le gouvernement militaire afin qu’il transfère le pouvoir aux civils. La population s’organise. Des bus, des trains et des voitures venant de différentes régions du pays convergent vers la capitale. Les premiers manifestants sont arrivés mardi soir d’Atbara, ville située à 250 kilomètres au nord de Khartoum d’où est partie la révolte en décembre. Les protestataires sont descendus dans la rue quand le prix du pain a triplé.
Debout sur les wagons, les voyageurs arrivant d’Atbara ont été accueillis comme des héros mardi, quand leur train est passé au ralenti devant le quartier général de l’armée où les manifestants organisent un sit-in. Abir Hachin Ahmed était dans le convoi. Elle est venue dans la capitale pour participer ce jeudi à la marche du million : « Tout ce dont on rêvait est en train de se réaliser. Ça fait trente ans qu’on n’a pas goûté la liberté, ça fait trente ans qu’on vit dans l’ombre, ça fait trente ans qu’on ne peut pas manifester dans les rues ».
Devant le quartier général de l’armée, des tentes aux couleurs de toutes les régions du pays sont alignées les unes après les autres. Saddiq Adam Abbas, lui, vient du Darfour, une région de l’ouest du pays où la répression a coûté la vie à 300 000 personnes, selon l’ONU. C’était impensable pour lui de ne pas venir manifester ce jeudi. « On est venu ici pour soutenir nos frères, dit-il, pour se débarrasser de ce régime corrompu, pour lutter contre l’injustice… pour nos droits, et pour ceux du peuple soudanais. »
Avec leur marche du million, les manifestants adressent un message clair aux militaires : il est temps de rendre le pouvoir aux civils.
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