Soulagement, indifférence, indignation... Le retour lundi au Cameroun du président Paul Biya après six semaines d'absence et de rumeurs alarmantes suscite des réactions contrastées, loin de l'accueil populaire reçu il y a 20 ans quand il avait été donné pour mort dans des circonstances similaires.
Le plus "important est que l’on change la vie quotidienne", bougonne un chauffeur de taxi qui a perdu une partie de sa recette de la veille à cause du blocage total de la capitale, systématique pour les déplacements présidentiels. "Nous, le bas peuple, on ne demande pas plus que trouver à manger et de quoi envoyer les enfants à l’école", commente-t-il.
Comme lui, beaucoup étaient plus occupés par la nécessité de circuler que par "l'ambiance", alors que des politiques ont battu le rappel des troupes depuis l’arrière-pays pour le retour du président âgé de 91 ans, absent de la scène publique depuis son départ de Pékin début septembre.
"Tout ce qu’on veut, c’est que le pays marche bien. Même s’il y a des gens qui parlent de sa mort, nous savons que c’est le président et qu’il peut faire des choses bien pour le pays, même à son âge", commente une infirmière employée dans un centre de santé à Obobogo, l'un des arrondissements de Yaoundé, rencontrée lundi soir à proximité d'un groupe mobilisé pour applaudir le cortège officiel.
Le 8 octobre, après une série de rumeurs alarmantes sur l'état du chef de l'Etat, les autorités avaient publié un communiqué inhabituel pour assurer qu'il se portait bien et rejoindrait le Cameroun "dans les prochains jours".
Une circulaire avait ensuite formellement interdit aux médias locaux d'évoquer son état de santé. Ce qui n'avait en rien éteint les rumeurs nourries par des messages annonçant son décès sur les réseaux sociaux.
- Questions -
Le président nonagénaire était-il effectivement dans l’avion lundi ? Des téléspectateurs agglutinés devant un tout petit écran à l’entrée d'un supermarché s'interrogeaient avant de retourner à leurs occupations habituelles, après avoir constaté qu'il était bien de retour.
Lors du long direct diffusé lundi par la télévision d'Etat CRTV pour ce "moment mémorable", une brève séquence montre Paul Biya accueilli sur le tarmac par le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh, à proximité d'un élévateur destiné à assister les passagers à mobilité réduite et de Chantal, son épouse.
Mardi matin, à un arrêt-taxi situé près du kiosque du PMU, des commentateurs désœuvrés spéculent surtout sur la succession du plus vieux chef d'Etat du monde. L’un d’eux assure: "Si Ngoh Ngoh est là, c’est que la mère (Chantal Biya, ndlr) contrôle la situation. Chacun cherche la place du vieux pour s’asseoir après lui".
En écho, certains titres de journaux évoquent mardi "la guerre de succession".
Si certains saluent "le retour du phoenix", de nombreux commentateurs réclament plus de transparence sur la santé du président et surtout que la Constitution du pays soit respectée.
"C’est un employé du peuple. Et on ne peut pas s’absenter de son lieu de travail, sans en informer son employeur", estimait l’avocat Nguefack, sur une chaîne de télévision populaire, Equinoxe, avant le retour présidentiel.
- "Arriérés" -
Pour Roger Noah, le secrétaire adjoint à la communication du parti d’opposition MRC, le long séjour de Paul Biya à l'étranger "questionne la capacité du chef de l’Etat à assumer ses hautes fonctions".
Ce séjour "a coûté, rien qu’en chambres d’hôtel, plus d’un milliard de francs CFA à un moment où le pays a des difficultés financières. L’Etat n’a pas encore bouclé les engagements vis-à-vis des enseignants" qui n'ont "pas encore reçu tous leurs arriérés", s'indigne-t-il.
Depuis des années, le président Biya multiplie les voyages privés à l'étranger, dédiés à des soins médicaux ou à des séjours dans un très luxueux hôtel de Genève, où l'opposition l'a accusé de dépenser des fortunes avec sa cour.
En 2018, un consortium international de journalistes d'investigation, l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), évaluait à quatre années et demi en 35 ans la durée cumulée des séjours privés à l'étranger du "président itinérant", pour un coût total de 65 millions de dollars.
1 Commentaires
Pasteffffffff
En Octobre, 2024 (17:12 PM)Reply_author
En Octobre, 2024 (17:20 PM)Participer à la Discussion