Limogeage, suspension, mis en résidence surveillée... Des versions contradictoires circulent à Kinshasa sur le sort du général Célestin Kanyama, patron de la police dans la capitale de la RDC, depuis sa mise à l'écart ce lundi. Mais que reproche-t-on exactement à "Esprit de mort" ?
« Le téléphone de votre correspondant est éteint. » Depuis 48 heures, c’est sur ce message que tombent ceux qui essaient de joindre le général Célestin Kanyama, commissaire provincial de la police congolaise à Kinshasa.
Depuis la confirmation, lundi 17 avril, de sa mise à l’écart, « Esprit de mort » − ainsi qu’il est surnommé depuis sa décision d’interdire la circulation des minibus Mercedes 207 (eux-mêmes rebaptisés esprits de mort en raison de leur dangerosité) dans le centre-ville de la capitale − ne répond plus.
Le colonel Elvis Palanga Nawej, jusqu’ici adjoint de Kanyama, a été « désigné pour assumer l’intérim », a indiqué dans la foulée le colonel Pierre-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police. Mais quelle est la nature exacte de la sanction qui a frappé le tout puissant patron de la police à Kinshasa ? L’information relèverait de la « consommation interne » au sein des forces de l’ordre, nous répond-on.
Kanyama limogé ou suspendu ?
Contactée par Jeune Afrique, une source au ministère de l’Intérieur minimise la portée de la sanction qui pèse sur le général Kanyama. « L’opinion publique s’agite parce que c’est un personnage très connu, mais ce type de mesure administrative touche souvent des responsables de la police ailleurs dans le pays », soutient-elle, laissant entendre que « d’ici sept à 15 jours », Kanyama recouvrerait ses fonctions.
Si au ministère de l’Intérieur, on parle d’une suspension de deux semaines au maximum, certaines sources sécuritaires n’excluent pas une prolongation de la sanction jusqu’à 45 jours. Elle pourrait aussi être aggravée. Mais, contrairement aux rumeurs persistantes à Kinshasa et sur les réseaux sociaux, l’officier n’aurait pas été limogé et ne serait pas en résidence surveillée. Plusieurs sources concordantes, interrogées par Jeune Afrique, abondent unanimement dans ce sens.
« C’est une mesure disciplinaire de corps », croit savoir de son côté Jean-Marie Kassamba, à la tête d’une chaîne de télévision réputée proche de la famille présidentielle, et qui se revendique « ami » du général sanctionné. Sous couvert d’anonymat, un responsable de la police congolaise confirme cette thèse, sans trop s’attarder. « Stricte instruction » de la hiérarchie oblige !
Pourquoi Kanyama a-t-il été sanctionné ?
La police fait également l’impasse sur les raisons ayant motivé la sanction. Un véritable black-out est imposé sur le sujet. Mais cela n’empêche pas certains officiers de se confier. Certains parlent de réunions de sécurité tenues à Kinshasa, les 3 et 9 avril, autour de Ramazani Shadary, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, à la veille des manifestations annoncées par le Rassemblement de l’opposition, comme de la goutte faisant déborder le vase.
Sanctionné par les États-Unis et l’UE notamment pour « usage excessif de la force » contre les manifestants, le général Célestin Kanyama a néanmoins fait observer lors de ces deux rencontres que ses hommes manquaient de matériels non létaux afin de gérer une éventuelle foule pendant la grande marche de l’opposition annoncée le 10 avril (celle-ci n’avait finalement pas eu lieu). Une remarque qui n’aurait pas plu à sa hiérarchie, celle-ci ayant déjà prévu la répartition des armes non létales à travers le pays, si l’on croit une source proche du dossier.
Le général Kanyama se prenait pour un commissaire général bis.
« Dans ces réunions-là, les places sont disposées comme si tous ces officiers étaient des collègues. C’est pourquoi Kanyama se permet parfois de prendre la parole et d’imposer sa voix devant ses supérieurs alors qu’il ne devait intervenir que lorsqu’on le lui demandait », pointe un ancien participant à ces échanges sur la sécurité nationale.
Qui a sanctionné Kanyama ?
« En fait, Kanyama se prenait pour un commissaire général bis », tacle un proche du général Raus Chalwe, numéro deux de la police congolaise. C’est d’ailleurs ce dernier qui a décidé de suspendre le chef de la police à Kinshasa.
« Kanyama s’estimait intouchable car personne n’osait ne serait-ce que lui tirer les oreilles. Il se savait protégé entre autres par le général Charles Bisengimana [le chef de la police nationale, NDLR] et par un réseau de politiciens », conclut-il. Ce qui laisse transparaître, en filigrane, la guerre des chefs qui se trame au sommet de l’appareil sécuritaire de la RDC.
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