Le contingent de soldats tchadiens va se retirer de la force africaine déployée en Centrafrique, la Misca, et prochainement quitter le pays. Une annonce surprise faite en marge du sommet Union européenne-Afrique qui se tenait, mercredi et jeudi, à Bruxelles.
C’est par un simple communiqué signé du ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, que le Tchad a annoncé sa décision. Dans ce communiqué, le ministre affirme que « malgré les sacrifices consentis, le Tchad et les Tchadiens font l’objet d’une campagne gratuite et malveillante tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA. Face à ces accusations répétées, le Tchad, après avoir informé la présidente de la transition centrafricaine, la présidente de la Commission de l’Union africaine et le secrétaire général des Nations unies, décide du retrait du contingent tchadien de la Misca. »
Le communiqué poursuit : « Les modalités pratiques de ce retrait seront arrêtées en commun accord entre le Tchad et l’Union africaine. En attendant, le Tchad assumera sans faille sa mission de paix dans les zones relevant de sa responsabilité en République centrafricaine. »
Départ précipité d’Idriss Déby de Bruxelles
On savait que le président Idriss Déby était agacé par les accusations contre ses hommes en Centrafrique. Il l’a d’ailleurs clairement exprimé à Bruxelles à Catherine Samba-Panza lors d’un tête-à-tête où la présidente de la transition centrafricaine avait cru l’avoir convaincu de ne pas mettre ses menaces à exécution.
Après cette décision lourde de conséquences, le président tchadien n’a pas attendu pour assister à la réunion sur le Sahel, ni même à la clôture du sommet. Idriss Déby s’est immédiatement envolé vers Ndjamena.
Contacté par RFI, le patron de la Misca, le général Mokoko, n'était même pas au courant de la décision tchadienne en début d’après-midi. Signe de la rapidité avec laquelle elle a été prise. Mais il a dit regretter cette décision et salué le travail accompli par les Misca Tchadiens. Les Tchadiens sont actuellement 850 au sein de la force africaine. Ils sont déployés dans les villes du nord et de l'est du pays, le long de la frontière tchadienne. Ils avaient quitté Bangui début janvier. A l'époque, les Banguissois voyaient déjà d'un bon œil ce départ alors que les accusations de bavures se multipliaient.
Décision attendue à Bangui
Cette annonce du retrait des Tchadiens, beaucoup de Centrafricains l’attendaient. C’est même un coup de tonnerre dans un ciel serein à Bangui. Une nouvelle qui va faire plaisir à la majorité des Banguissois qui réclamaient le départ des Tchadiens du territoire centrafricain.
Les Tchadiens sont souvent considérés comme des envahisseurs et comme le bras armé de la Seleka. Certains habitants de Bangui leur reprochent d’avoir laissé passer la Seleka de Michel Djotodia en mars 2013. Et plus récemment, ils reprochaient aux Tchadiens d’avoir commis des exactions contre les populations chrétiennes.
Un exemple, samedi dernier, un convoi tchadien de la Misca est entré à Bangui, ce qui a mis le feu au quartier nord de la capitale. Les Tchadiens et les miliciens anti-balaka se sont battus. Des civils ont perdu la vie dans ces combats.
Dès l'annonce du retrait tchadien de la Misca, certains habitants de Bangui se sont exprimés au micro de RFI.
« C’est une très bonne nouvelle. Pour nous, les Seleka sont complices avec les Tchadiens. Donc, si les troupes tchadiennes partent, nous sommes très contents. Seleka et Tchad, pour nous, c’est la même chose », estime ce Banguissoi.
« Les Tchadiens sont nos voisins, nos parents. Avec l’arrivée des Seleka, ils se sont transformés en chiens enragés. On pensait que l’armée tchadienne nous protègerait, apporterait un peu de sécurité mais ils ont tué et tiré sur tout ce qu’ils voyaient. Maintenant, si le président de la République a décidé de les faire rentrer, c’est une bonne chose car Idriss Déby (président tchadien) lui-même a compris qu’il a versé beaucoup de sang », estime cet autre habitant de Bangui.
Inquiétude dans le nord du pays
Le bilan des affrontements, l’émotion causée dans l’opinion par ces incidents de samedi ont-ils pesé dans la décision d’Idriss Déby ? C’est difficile à dire, mais toujours est-il que beaucoup de gens s’interrogeaient sur la place de ces Tchadiens dans une force censée protéger les populations et qui se retrouvaient alors à ouvrir le feu sur ces mêmes populations.
Ceci dit, les Tchadiens de la Misca sont déployés dans plusieurs villes du Nord comme Kaga-Bandoro, Ndélé ou encore Sibut. Et les populations musulmanes de ces villes, à l’opposé des populations chrétiennes de Bangui, risquent de ne pas apprécier leur départ. Les musulmans contrairement aux chrétiens considèrent que les Tchadiens les protègent. Et ce sont d’ailleurs des soldats tchadiens qui ont procédé ces derniers mois aux évacuations des musulmans de la capitale. On imagine que des mesures devraient être prises pour éviter que le vide n'engendre le chaos.
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