Dans un rapport intitulé « 20 ans de Protocole de Maputo : Où en sommes-nous aujourd'hui ? » parcouru par Equality Now, il est résumé les progrès accomplis en Afrique en vue de la ratification, la transposition en droit interne et la mise en œuvre du Protocole de Maputo, en mettant en exergue les principales réalisations et les défis à relever.
Le Protocole de Maputo, adopté en juillet 2003, est devenu l'un des instruments les plus ratifiés de l'Union africaine (UA) : en juin 2023, 44 des 55 États membres de l'union l'avaient soit ratifié ou y avaient adhéré, tandis que huit pays l'avaient signé mais n'y avaient pas encore adhéré. Selon le rapport, et bien que 80 % des États membres de l'UA avaient soit ratifié ou adhéré au Protocole de Maputo, on était encore loin de l’objectif fixé de mettre en œuvre dans leur intégralité les dispositions du protocole ; en effet certains États avaient émis des réserves visant à modifier l'effet juridique de certaines dispositions. Néanmoins, les défenseurs des droits humains restent d'avis qu'il est préférable d'avoir ces quelques réserves que d'avoir des États qui refusent complètement d'adopter le protocole. « La ratification du protocole est une étape cruciale vers la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes. La ratification du protocole de Maputo envoie un message fort de l’engagement des États à protéger et à promouvoir les droits des femmes », explique Rainatu Sow, Directrice de Make Every Woman Count.
Les défis liés à la présentation des rapports
Le rapport constate que seuls 19 États ont présenté leurs rapports initiaux conformément à l'article 26(1) du protocole, et que la plupart des rapports ont accusé des retards considérables. Dans le cadre du lancement, les membres de SOAWR ont souligné la nécessité de renforcer les capacités des États membres en matière d'établissement des rapports, d'améliorer la collecte et la compilation des données en favorisant une collaboration intersectorielle, et d'assurer que les délais de présentation des rapports soient clairs. Les membres ont également demandé à la Commission africaine (CADHP) d'envisager d'allonger le délai de présentation de ces rapports.
Des progrès notables mais inégaux
Le rapport, qui a été lancé lors des célébrations de haut niveau du 20e anniversaire du Protocole de Maputo à Nairobi (Kenya), a également révélé que les progrès n’étaient pas uniformément répartis, certains domaines affichant de meilleurs résultats pour les femmes que d'autres.
Droits économiques et en matière de protection sociale
Les États membres de l'UA ont enregistré une forte amélioration dans le domaine des droits économiques et en matière de protection sociale. En effet, plus de 50% des pays africains ont adopté des lois exigeant qu'un travail de valeur égale soit compensé par une rémunération égale, et prévoyant un congé de maternité payé de 98 jours ou plus. En outre, plusieurs pays ont interdit la discrimination fondée sur le genre et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
Législation sur les droits liés au mariage
Les États membres de l'UA ont promulgué des législations sur les droits liés au mariage visant à traiter des questions de l'âge légal du mariage entre autres et à renforcer les sanctions pour les mariages précoces, les mariages d'enfants et les mariages forcés. Des réformes institutionnelles, notamment la création de comités nationaux et l'organisation de campagnes de sensibilisation, ont contribué à l'interdiction du mariage des enfants dans certains pays.
Santé et soins de santé
Par rapport aux dispositions constitutionnelles relatives à la santé et aux soins de santé, le rapport constate que presque tous les pays ont maintenu de telles dispositions dans leurs constitutions, et que six d'entre eux y ont consacré des droits liés aux soins de santé reproductive. Les réformes législatives intégrées aux lois sur l'égalité et la violence basée sur le genre ont appuyé les droits en matière de santé reproductive. Les efforts déployés pour lutter contre la violence faite aux femmes, dont notamment les mutilations génitales féminines (MGF), ont abouti à l'engagement de réformes constitutionnelles, à l'adoption de plans d'action nationaux et à la mise en place de services de soutien.
Participation des femmes aux processus politiques et décisionnels
Dix pays ont réussi à mettre en œuvre des dispositions constitutionnelles établissant des quotas pour assurer la représentation des femmes dans les assemblées législatives. Le rapport souligne que les stratégies nationales en matière d'égalité du genre ou de développement contiennent des approches intégrées visant à accroître la participation des femmes à la vie politique, et que les pays ont lancé des campagnes de sensibilisation et de renforcement de la représentation des femmes.
Protection contre la violence et les conflits armés et les femmes spécialement protégées
Le rapport contient également une analyse de l'état de la protection des femmes et des filles contre la violence dans des situations de conflits armés ainsi que les droits des groupes de femmes spécialement protégés. Il note que les pays de l'UA ont accordé une attention particulière à cette question et ont mis en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles qui prennent en compte ces contextes.
Défis
Le rapport prend bien note des progrès significatifs qui ont été accomplis, mais signale toutefois que de nombreux défis restent à relever. Les gouvernements africains sont appelés à inscrire parmi leurs premières priorités l'élimination des pratiques traditionnelles néfastes, de la violence fondée sur le genre et de la discrimination à l'égard des femmes et des filles. « L'alignement des législations nationales sur les principes énoncés dans le Protocole de Maputo et la lutte contre les croyances sociétales profondément enracinées sont des étapes cruciales vers l'égalité entre les hommes et les femmes », a fait remarquer Faiza Mohamed, Directrice régionale pour l'Afrique d'Equality Now. « Alors que tout le monde continue à œuvrer pour un avenir où les droits des femmes et des filles sont respectés en vertu du Protocole de Maputo, nous espérons que les États membres de l'UA adopteront une approche multisectorielle afin d'accélérer le respect de leurs obligations », a-t-elle ajouté.
Le Protocole de Maputo revêt une importance considérable en tant qu'instrument juridique pour la promotion et la protection des droits des femmes en Afrique. Il aborde des problématiques cruciales touchant la vie des femmes, sert de cadre juridique global, milite en faveur de l'autonomisation et de la participation des femmes et établit un système de reddition des comptes pour les pays africains. Il favorise ainsi une culture de transparence et permet de faire avancer la cause pour la promotion des droits des femmes.
Le protocole condamne explicitement les pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines, le mariage des enfants et la violence à l'égard des femmes, envoyant ainsi un signal clair du besoin d'éradiquer toutes ces violations. L'intégration des principes du protocole dans les systèmes juridiques permettrait aux États membres de favoriser le développement d’une culture d'égalité entre les hommes et les femmes.
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