Au Sénégal, le verdict du procès d'Hissène Habré doit être prononcé ce lundi matin. Jugé devant les Chambres africaines extraordinaires depuis septembre dernier, l'ancien président du Tchad saura s'il est condamné ou non. Soupçonné de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, actes de tortures, Hissène Habré n'a une qu'une ligne de défense : un silence absolu. Tout l'enjeu de ce procès : prouver ou non que l'ex-chef de l'Etat était le cerveau de la répression lorsqu'il dirigeait le Tchad entre 1982 et 1990.
Le procès à peine ouvert, les avocats d’Hissène Habré annoncent qu’ils refusent de se présenter à la barre. La politique de la chaise vide. Ils affirment que la Cour est illégitime, une cour qui nomme logiquement trois avocats d’office pour représenter Habré.
Le mutisme de l'accusé
La défense a alors quarante-cinq jours pour se préparer et c’est au bout de ces quarante-cinq jours, l’heure de la reprise du procès le 7 septembre, que le public assiste à cette scène : Hissène Habré crie, se débat… Et par la force est amené à sa place d’accusé dans le tribunal. Les audiences suivantes, l’ancien président du Tchad est conduit en salle d’audience avant que les portes ne soient ouvertes au public.
Certains s’attendent à ce qu’Habré se serve du procès comme d’une tribune, tel un Slobodan Milosevic ou un Charles Taylor, lesquels bien que ne reconnaissant pas la Cour qui les jugeait ont en pratique présenté leur version des faits. Mais Hissène Habré n’est pas de ceux-là. Lui, reste silencieux, garde un mutisme total face aux 90 témoins cités à la barre. Lui, ne répond pas au procureur général et pendant 56 jours ce silence envahit la salle d’audience.
La répression a été démontrée : les avocats des victimes sont confiants
La sérénité : c'est le seul point commun affiché par les avocats des parties civiles comme par ceux d'Hissène Habré. Pour l'équipe qui défend les victimes, dirigée par Jacqueline Moudeina, malgré le silence de l'accusé, le rôle clef de l'ex-président du Tchad dans le système de répression a bel et bien été démontré devant la cour.
« Il n’y a pas meilleure preuve que tous les témoignages. Les victimes étaient là. C’est des témoignages qui ont plongé tout le monde dans le noir. Et il n’y pas meilleure preuve que toutes les archives que nous avons eu à la Direction de la documentation et de la sécurité, la fameuse DDS. Nous ne pouvons pas imaginer un seul instant qu’Hissène Habré ne puisse pas être condamné », soutient l'avocate.
Un point de vue partagé par Clément Abaifouta, le président de l’association des victimes, qui se dit « très serein ». « On ne peut pas, aujourd’hui, dire qu’Hissène Habré n’a rien fait. (…) C’est nier l’histoire. Les 26 ans de lutte âpre auront accouché la lueur, la lueur d’espoir qu’attendent les Tchadiens, les victimes, et, j’allais dire, les Africains. Donc c’est un parcours satisfaisant pour moi et je me dis : il faut déjà se préparer pour le lendemain. »
Vision opposée pour les avocats commis d'office qui défendent Hissène Habré. S'ils n'ont eu aucun contact, aucun échange avec l'ex-chef de l'Etat, ils estiment qu'aucune preuve concrète de l'implication d'Hissène Habré dans la répression n'a été présentée.
« Nous avons donné à la chambre tous les motifs qui peuvent lui permettre d’acquitter l’accusé. En face, les contresens, les contre-vérités et les contradictions qui ont été débitées. Nous avons vu des parties civiles qui ont déclaré la preuve de leur incapacité de démontrer la culpabilité de l’accusé », estime Mbaye Sène.
La lecture du verdict, sans doute un résumé, doit débuter à 10 heures, heure locale. Trois heures sont prévues. Après trois mois de délibéré, la chambre va donc indiquer si Hissène Habré est coupable ou non des crimes qui lui sont reprochés.
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Diogene
En Mai, 2016 (09:05 AM)Diogene
En Mai, 2016 (09:05 AM)Diogene
En Mai, 2016 (09:05 AM)Participer à la Discussion