Zuwaira Muhammad attend que ses jumeaux de 10 mois épuisés par le paludisme reprennent des forces sur leur lit d'une clinique de la ville de Kano, dans le nord du Nigeria, pour qu'ils puissent se faire vacciner.
Un choix qui n’est pas anodin dans la deuxième plus grande ville du Nigeria, et la plus touchée par cette maladie parasitaire qui sévit dans le pays le plus peuplé d'Afrique, où la population est largement sceptique face aux vaccins.
"Je donnerai mon accord pour qu'ils reçoivent le vaccin contre le paludisme lorsque la campagne de vaccination commencera, parce que je sais à quel point le paludisme est dangereux", dit à l'AFP Mme Zuwaria, 26 ans. "J'ai failli les perdre à cause du paludisme".
Le paludisme, également appelé malaria, est une infection causée par un minuscule parasite transmis par piqûres de moustiques, qui provoque fièvre, maux de tête et frissons jusqu'à devenir une affection grave, potentiellement mortelle, en l'absence de traitement.
Selon les derniers chiffres de l’OMS publié en 2023, le Nigeria a enregistré le plus grand nombre de cas de paludisme au monde en 2022, soit 27%, et 31% des décès induits par cette maladie cette année-là à l'échelle mondiale.
Malgré la réticence des Nigérians envers la vaccination et face à l'épidémie de paludisme qui gagne du terrain dans le pays, le Nigeria a reçu en octobre plus de 846.000 doses du nouveau vaccin antipaludique R21/Matrix-M.
Selon les recommandations de l’OMS, les enfants doivent recevoir quatre doses pour bénéficier d'une protection optimale à partir de l'âge de cinq mois.
Au Nigeria, Kano est un terrain propice à la prolifération des moustiques en raison de ses décharges omniprésentes et ses égouts à ciel ouvert.
Une situation qui est à l'origine d'un taux de prévalence du paludisme de 32,4% dans cette ville, soit le plus élevé au Nigeria, selon le Malaria Consortium, une ONG spécialisée dans la lutte contre le paludisme et d'autres maladies transmises par des insectes.
La distribution gratuite de moustiquaires et d'insecticides par le gouvernement de l'État de Kano n'a pas permis d'endiguer l’épidémie.
- Paludisme et malnutrition -
"Le paludisme est un problème, et il y a une corrélation entre la malnutrition et le paludisme", dit à l'AFP Hemmed Lukonge, coordinateur de projet à Médecins Sans Frontières à Kano.
"Sur dix cas de malnutrition que nous enregistrons, huit ont également le paludisme. Kano a connu un pic de décès dus au paludisme chez les nourrissons cette année, soit une augmentation de 15% par rapport à l'année dernière", ajoute M. Lukonge.
A Kano, la défiance envers la vaccination a gagné du terrain au fil des années, notamment lors de la campagne mondiale anti-polio aux débuts des années 2000.
L'État a suspendu la vaccination contre la polio pendant 13 mois entre 2003 et 2004 à la suite d'allégations selon lesquelles le vaccin contenait des substances susceptibles de rendre les filles stériles dans le cadre d'un complot occidental présumé visant à dépeupler l'Afrique.
Bien que les autorités aient repris la vaccination contre la polio, les soupçons à l'égard des vaccins persistent dans la ville.
L'année dernière, deux mères de famille ont suscité l'émoi lorsqu'elles ont déclaré à la radio locale que leurs enfants avaient développé des complications rénales après avoir été vaccinés contre la diphtérie.
Les autorités sanitaires de la ville ont admis que cette allégation avait considérablement nui à leur lutte contre l'épidémie de diphtérie qu'elles tentaient d'endiguer.
"Je ne me ferai pas vacciner contre le paludisme et il ne sera pas administré à mon enfant parce que je ne sais pas s’il y aura des effets indésirables", affirme Lubabatu Abubakar.
"Je reconnais que le paludisme est un énorme problème de santé, mais il peut être endigué si le gouvernement s'occupe des montagnes d'ordures qui se répandent partout et qui favorisent la prolifération des moustiques", poursuit cette mère de six enfants, âgée de 40 ans.
Pour Umar Shehu, un autre habitant de Kano, le gouvernement devrait donner la priorité à la vaccination contre le paludisme, plutôt que de mener des réformes qui augmentent le coût de la vie dans le pays.
"Nous devons nous débarrasser du paludisme, mais la faim est un problème plus urgent. Comment un vaccin peut-il être efficace sur des personnes affamées ?", s'interroge cet homme de 34 ans.
Le Nigeria traverse une grave crise économique, avec une inflation dépassant 30% en octobre, son niveau le plus élevé depuis trois décennies.
Selon M. Lukonge, de MSF, la méfiance envers la vaccination peut diminuer à Kano avec la mise en place d’un groupe de travail à l’initiative du gouvernement local, qui vise à promouvoir la lutte contre le paludisme et la désinformation.
Ibrahim Musa, hématologue à l'hôpital universitaire Aminu Kano de la ville, est du même avis.
"Avec un travail de fond adéquat auprès de la population par l'intermédiaire des médias et des chefs religieux, un nombre important de personnes se feront vacciner", espère M. Musa.
1 Commentaires
Xeme
En Novembre, 2024 (16:16 PM)Vous aurez beau me censurer, je persiste à dire que le comportement de beaucoup de politiciens et journalistes africains est criminel envers l'Afrique.
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