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Afrique

Nigeria : l’inquiétude des parents des écolières encore captives

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Les lycéennes de Chibok enlevées par Boko Haram dans une vidéo diffusée par le groupe terroriste, le 12 mai 2014.

Malgré la poursuite des négociations pour libérer les écolières de Chibok encore aux mains de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, des parents craignent de ne jamais revoir leurs filles, selon des témoignages recueillis samedi par l'AFP.

La semaine dernière, 82 adolescentes captives depuis plus de trois ans avaient été libérées à l’issue d’intenses négociations entre le gouvernement et le groupe jihadiste, en échange de plusieurs combattants jihadistes.

Dans une vidéo diffusée vendredi par Boko Haram, une jeune fille se présente comme Maida Yakubu, l’une des 276 lycéennes nigérianes de Chibok enlevées en avril 2014 et affirme ne pas vouloir être libérée. Mais pour sa mère, pas de doute, elle a parlé sous la contrainte.

« Un supplice »

« Cette vidéo est un supplice pour moi, je n’ai pas dormi depuis que je l’ai regardée », a déclaré, la voix secouée par l’émotion, Esther Muntari, jointe à Chibok.

« Le lien qui nous unit est inébranlable. Ce n’est juste pas possible que ma fille préfère ses ravisseurs à moi », a affirmé samedi à l’AFP cette mère de cinq enfants dont Maida, 19 ans, est l’aînée.

L’adolescente, entourée de trois femmes vêtues de noir, apparaît portant un long voile, un fusil à la main, avant de proclamer sa loyauté au groupe jihadiste.

« Dans la ville de l’impiété »

Interrogée par un homme sur les raisons pour lesquelles elle ne souhaite pas rentrer chez ses parents, elle répond: « C’est parce qu’ils vivent dans la ville de l’impiété. Nous voulons qu’ils acceptent l’islam ».

« J’ai immédiatement compris qu’elle était forcée à dire ce qu’elle disait dans la vidéo », a assuré Esther Muntari.

Une autre adolescente avait refusé d’être libérée la semaine dernière en raison de son mariage avec un combattant jihadiste, selon la présidence nigériane.

Syndrome de Stockholm

D’après des spécialistes, certaines de ces jeunes filles se sont attachées, au fil des mois de captivité, à leurs ravisseurs, jusqu’à développer un « syndrome de Stockholm », souvent lié aux traumatismes endurés.

Les femmes enlevées par Boko Haram sont généralement violées, mariées de force, voire utilisées comme domestiques ou bombes humaines par les combattants.

En avril 2014, l’enlèvement de 276 adolescentes avait soulevé une vague d’indignation internationale et est devenu le symbole du conflit qui a fait plus de 20 000 morts au Nigeria depuis 2009.

113 filles toujours otages

Aujourd’hui, 113 filles sont toujours retenues par le groupe jihadiste. Outre les 82 libérées, 21 ont été échangées en octobre 2016, trois ont été retrouvées par l’armée et 57 se sont échappées.

Une autre série de pourparlers a démarré entre le gouvernement et les jihadistes pour la libération des lycéennes encore en captivité, mais les familles sont inquiètes.

« La vidéo a instillé la peur dans nos esprits et a quelque peu douché l’espoir que nos filles soient libérées », a expliqué à l’AFP Mark Enoch, dont deux enfants ont été enlevées.

« Forcée de rester »

« Je crois qu’aucune de nos filles ne choisira de rester avec Boko Haram si on leur donne le choix », assure ce chrétien. « La seule explication » est que la jeune Maida ait été « forcée de rester ».

Le porte-parole de la présidence nigériane, Garba Shehu, a déclaré récemment à la BBC en haoussa (langue du nord) que selon l’accord conclu avec les jihadistes, aucune fille ne serait « libérée » sans son consentement.

« Cette disposition permet clairement à Boko Haram de retenir (en otage) nos filles si ça leur chante. Ce n’est pas juste », a déclaré Mark Enoch.

Boko Haram prêt à attaquer Abuja ? 

Dans une deuxième vidéo diffusée dans la foulée vendredi, Boko Haram a présenté cinq « commandants » emprisonnés, que le gouvernement nigérian a libéré en échange des 82 jeunes filles.

Un des hommes qui se présente comme Abu Dardaa, ou « Money », affirme que Boko Haram est de retour dans la forêt de Sambisa (que l’armée avait annoncé avoir libérée en décembre), et se prépare à attaquer la capitale fédérale du Nigeria, Abuja.

« Pure propagande »

L’armée a parlé samedi de « pure propagande ». « Il a été le bénéficiaire direct du processus qui a mené à la libération des 82 filles enlevées, et il n’a pas son mot à dire ni la capacité de faire quoi que ce soit. Par conséquent, ses menaces devraient être ignorées », a déclaré un porte-parole de l’armée, Sani Kukasheka Usman.

« Les affirmations de Boko Haram selon lesquelles le retour des commandants (libérés) facilitera les attaques à Abuja est très optimiste », estime sur son compte Twitter l’expert en sécurité Ryan Cummings.

Du fait de l’organisation décentralisée du groupe jihadiste, « l’influence des commandants est souvent limitée à la zone (géographique) placée sous leur autorité » directe, affirme-t-il.



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