Depuis son arrivée au pouvoir, c'est la troisième fois que Nicolas Sarkozy se prête à l'exercice d'une conférence de presse. Un exercice qu'il n'affectionne pas trop du fait qu'il entretient des relations difficiles avec la presse française. Mais pouvait-il faire autrement quand on sait que la France prendra la direction du G8 et du G20 pendant une année et qu’elle fait face à des critiques face à son mutisme sur la révolution tunisienne ? En tout cas, cette fois-ci, Sarkozy a évité des polémiques avec les journalistes. Il s'est concentré sur ses sujets du G20 et du G8, avant de décliner la position française sur les événements en Tunisie.
(Correspondant permanent à Paris) - Va-t-on vers une nouvelle politique diplomatique en direction des anciennes colonies à la lumière de ce qui est passé en Tunisie ? En tout cas, on peut penser au moins à une réforme de la prise de parole de la France quand il s'agira des anciennes colonies françaises. Face aux journalistes et au corps diplomatique accrédité en France, le président Nicolas Sarkozy a levé un coin du voile : ‘S’agissant de pays qui ont été des colonies françaises, vous comprendrez que le président de la République doit tenir compte du poids de l'histoire sur le jugement qu’il porte dans l’évolution de chacun de ces pays. On ne peut pas parler d’un pays qui, il y a 50, 60, 70 ans, ressentait la colonisation française comme une souffrance. [...] Je revendique cette réserve lorsqu’il s’agit de commenter les événements de pays qui ont été la France et ne le sont plus. Je ne veux pas que l’on assimile la France à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux’, a décliné le président. On entrevoit ainsi une sorte de réforme de la manière de s'exprimer de la France concernant les anciennes colonies.
La parade de Sarkozy montre que la France essaie de rattraper son retard par rapport à la révolution tunisienne. ‘C'est un peuple frère qui a décidé de reprendre en main son destin. Derrière l'émancipation des femmes, l'effort d'éducation, le dynamisme économique, l'émergence d'une classe moyenne, il y avait un sentiment d'étouffer dont - il faut bien le reconnaître - nous n'avions pas pris la juste mesure’, reconnaît le président français. Il estime qu'il y avait ‘une colère qui venait d'un sentiment d'injustice, une irrésistible volonté de liberté qui, trop longtemps étouffée, s'est libérée’. ‘Que le peuple tunisien soit assuré que le peuple français est à ses côtés. Une ère nouvelle s'ouvre, c'est dans cet esprit que j'ai demandé à François Fillon de prendre un certain nombre de mesures pour accompagner la Tunisie. Et pour certaines, dès le prochain conseil des ministres’, promet le chef de l'Etat français.
Passant à un autre sujet, Nicolas Sarkozy a redit sa fermeté contre le terrorisme après la mort de ses deux compatriotes au Niger suite à un kidnapping des membres d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La poursuite de ces terroristes par les armées française et nigérienne s'est soldée par un échec. Les otages ont été tués, l'un par les preneurs d'otages et l'autre dans des circonstances non encore déterminées, mais tout porte à croire qu'il serait mort suite à l'explosion par l'armée française de la voiture des otages. ‘La France discute chaque fois qu’il y a une possibilité de discuter. Face au terrorisme, il n’y a que la fermeté ou alors c’est votre sécurité à tous qui sera gravement engagée. [...] Chaque fois que les démocraties se sont aplaties, elles l’ont payé trop cher et de beaucoup de morts’, affirme-t-il, tout en disant qu'il assume ce qui s'est passé, même si ce n'était pas facile de prendre de telles décisions.
Des sujets de la présidence française du G8 et du G20 ont été au cœur de sa conférence de presse. Il en a décliné quelques lignes. Comme la taxe sur les transactions financières qu'il compte proposer à ses pairs. ‘La France est favorable à la taxe sur les transactions financières. La France considère que cette taxe est morale, utile et efficace’, soutient Nicolas Sarkozy. Tout en reconnaissant les difficultés de son application. ‘Je sais bien que cette taxe a de grands adversaires sur son chemin. La France confiera une mission à une personnalité de la société civile’. Pour que cette transaction soit efficace, Nicolas Sarkozy considère qu'il faut qu'elle soit adoptée par tous les membres du G20. Parlant de la France, il dira : ‘Nous envisageons de prendre des initiatives sur la taxe sur les transactions financières. (Mais) on ne peut pas être crédibles en prenant des initiatives absolument seuls. [...] Nous sommes prêts à un panier de financements innovants.’
Il en est de même des questions sociales. La France va proposer ‘un socle de protection sociale’ qui concernera tous les pays. ‘Les partenaires sociaux sont totalement associés aux travaux du G20. Comment donner davantage de poids à l’Organisation internationale du travail dans la gouvernance mondiale ? La France envisage un socle de protection sociale universelle’, fait-il savoir.
Pour mettre fin à la volatilité des prix des matières premières, Sarkozy a proposé une régulation sur les marchés des matières premières. ‘Il nous faut des règles communes (pour) améliorer de la transparence sur les marchés physiques. Avec un code de bonne conduite. Aujourd'hui, les organisations d'aides alimentaires sont obligées d'acheter au prix le plus fort, cela n'a aucun sens. (Il faut aussi) développer l'offre agricole si nous voulons être en mesure de nourrir la population mondiale’, propose le président. Pour qui, ces mesures pourraient empêcher l'éclatement des révoltes de la faim de 2008.
Sarkozy a aussi évoqué la réforme du Fonds monétaire international (Fmi) qui, selon lui, doit s'occuper beaucoup plus de mouvements de capitaux, de déséquilibres monétaires, de crises bancaires, plutôt que de se mobiliser simplement pour savoir si tel ou tel pays extrêmement pauvre n'augmente pas trop ses fonctionnaires. Et pour réussir son mandat, il a fait des yeux doux aux Etats-Unis. Il a indiqué que ‘la France ne souhaite pas remettre en cause le dollar qui joue un rôle éminent et doit être une monnaie forte’. Mais ajoute-t-il aussitôt en forme interrogatoire : ‘Est-ce que, pour autant, y a-t-il une personne au monde pour affirmer que le système monétaire international fonctionne bien ?’
2 Commentaires
Malakeu
En Janvier, 2011 (07:41 AM)Jetrix
En Janvier, 2011 (14:51 PM)Participer à la Discussion