Mously Diakhaté était l’invitée de l’émission « Yoon Wi » du 11 mars 2021, diffusée sur les ondes de la télévision privée sénégalaise RFM.
Plusieurs thèmes ont été abordés au cours de l’émission, mais la discussion a en grande partie porté sur « les dérives sur les réseaux sociaux ».
Mously Diakhaté, qui estime qu’il y a trop de « laisser-aller » sur internet au Sénégal, a appelé à une meilleure régulation de Facebook, qui, selon elle, n’existe pas en Ethiopie.
« Internet est un outil de travail, et non un moyen de proférer des insultes (…) Donc, mettons en place une meilleure réglementation des réseaux sociaux. Ne savez-vous pas que Facebook n’existe pas en Ethiopie ? », interroge-t-elle, vers la fin de l’émission (53e minute, propos traduits du Wolof, la langue la plus parlée au Sénégal).
Nous avons contacté la parlementaire, qui a martelé que « Facebook n’existe pas en Ethiopie ».
« Actuellement si vous y allez, et que vous essayez de vous connecter sur Facebook, cela ne marche même pas », soutient Mously Diakhaté.
« Le plus important à retenir est le fait qu’Internet est très sécurisé en Ethiopie .Même au sein du siège de l’Union Africaine, on a du mal à accéder à Facebook. Le laisser-aller qui existe au Sénégal n’est pas normal ».
Cette déclaration de Mously Diakhaté survient dans un contexte marqué par un débat sur la régulation des réseaux sociaux au Sénégal. Le président sénégalais Macky Sall a demandé au gouvernement, lors du Conseil des ministres du 3 février 2021, de mettre en place un « un dispositif de régulation et d'encadrement spécifique aux réseaux sociaux ». Cela inquiète certains observateurs qui craignent une volonté des autorités de chercher des moyens légaux de censurer les plateformes.
Africa Check a échangé avec Facebook par courrier électronique afin de vérifier l’affirmation. Kezia Anim-Addo, responsable de la communication de Facebook pour l'Afrique subsaharienne, nous a indiqué que Facebook est actuellement fonctionnel en Ethiopie.
Elle nous a également recommandé de nous rapprocher d’organisations qui font un monitoring ou un suivi des coupures d’Internet pour plus d’informations sur la situation actuelle de Facebook en Ethiopie.
Ainsi, nous avons contacté l’organisation Access Now, qui vise à « défendre et accroître les libertés numériques des internautes en situation de risque dans le monde », à travers un suivi de la censure du réseau Internet dans plusieurs pays du monde.
Sur notre demande, Access Now indique avoir vérifié auprès de ses partenaires et de ses experts en monitoring (suivi de la connexion internet) et n'avoir trouvé aucune preuve d'une coupure actuelle de Facebook en Éthiopie. « Nos partenaires en Éthiopie ont également indiqué que Facebook y est accessible », soutient l'organisation.
Le rapport dénommé #KeepItOn compile les données sur les coupures d’internet de 2020 et documente les impacts dévastateurs sur les personnes et les communautés.
Open Observatory of Network Interference (OONI) est un observatoire de suivi des perturbations du réseau Internet, mesurant la censure de l'Internet depuis 2012. OONI a indiqué à Africa Check que « des mesures récentes provenant du test de Facebook Messenger en Éthiopie montrent qu'il était accessible. Nous ne percevons aucune mesure indiquant une coupure. Et facebook.com a été mesuré pour la dernière fois il y a près d’un mois ».
De même, le journaliste éthiopien Elias Meseret a confirmé à Africa Check que Facebook est accessible à son niveau et que le réseau social « n'a pas été coupé en Éthiopie ces derniers temps ». Elias est journaliste à Ethiopia Check et correspondant de l’Associated Press en Éthiopie.
Access Now souligne par ailleurs que « l'Éthiopie est souvent sujet à des coupures d'Internet, y compris des réseaux sociaux. Nous avons noté au moins 4 cas de perturbations en 2020, comme indiqué dans notre récent rapport ». C’était le cas en 2016, lorsque Facebook avait été bloqué par les autorités après après une fuite des sujets d’examens d’entrée à l’université.
Le gouvernement avait expliqué que cette coupure visait à éviter que les étudiants ne soient distraits pendant la période des examens et à empêcher la propagation de fausses rumeurs.
C’est en ce sens que le Directeur Afrique d’Internet Sans Frontières (ISF), Abdelkerim Yacoub Mektoub précise à Africa Check que « Facebook existe toujours en Ethiopie », mais qu’on assiste à sa « censure ».
A en croire Mektoub, « ce n’est pas seulement Facebook mais aussi les réseaux sociaux. Le gouvernement coupe de façon intempestive l’internet. Du coup, c’est faux quand on dit que Facebook n’existe pas en Ethiopie. C’est plutôt de la censure politique volontaire du régime ».
Abdelkerim Mektoub ajoute que la coupure d’internet est fréquente dans certains pays africains, à l’image du Tchad « où Facebook et l’internet ont été coupés pendant longtemps. Mais les gens utilisent des VPN (réseau privé virtuel) pour se connecter ».
« Nous sommes en contact permanent avec Facebook ainsi qu’avec le gouvernement éthiopien, afin de le convaincre de ne pas couper les réseaux parce qu’il n’y pas que l’aspect politique. Il y a l’aspect social, l’aspect économique, l’aspect culturel. Il y a beaucoup d'impacts négatifs si on coupe le réseau Internet d’un seul coup », alerte Mektoub.
La députée sénégalaise Mously Diakhaté soutient que Facebook n’existe pas en Ethiopie.
La responsable de la communication de Facebook pour l'Afrique subsaharienne Kezia Anim-Addo précise que le réseau social existe et fonctionne actuellement en Ethiopie.
Ses explications sont corroborées par les organisations de monitoring d’internet Access Now et OONI.
Internet Sans Frontières reconnaît que les réseaux sociaux et l’Internet sont souvent coupés en Ethiopie, mais cela ne veut pas dire que Facebook n’existe pas dans le pays.
Par conséquent, l’affirmation de Mously Diakhaté est incorrecte.
2 Commentaires
Le Bon Lebou
En Avril, 2021 (13:39 PM)Participer à la Discussion