Condamnés une première fois par un tribunal militaire, les 25 accusés sahraouis dans les événements sanglants de 2010 seront présentés, ce lundi, devant une juridiction civile afin qu'ils soient rejugés. Leurs avocats demandent l'application du droit humanitaire international à leur égard, tandis que les familles des victimes se sont constituées partie civile pour mieux se défendre.
C’est un procès très tendu qui va s’ouvrir ce lundi 26 décembre devant le tribunal de Salé. Vingt-cinq personnes sont poursuivies dans le cadre des évènements tragiques survenus le 8 novembre 2010, dans la localité de Gdeim Izik, à 15 km de Laâyoune, chef lieu du Sahara, et au cours duquel 13 personnes, dont onze membres de forces de l’ordre ont été sauvagement tuées.
Les accusés ont été jugés une première fois devant un tribunal militaire en février 2013, qui les a condamnés à des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité pour « constitution de bandes criminelles, violences sur les forces de l’ordre ayant entraîné leur mort avec préméditation et mutilation de cadavres ».
Suite à une réforme de la justice militaire introduite par le Maroc en juillet 2015 et en vertu de laquelle les civils ne pourront être jugés par un tribunal militaire – à moins que leurs crimes se soient déroulés en temps de guerre -, la Cour de cassation a décidé de déférer les présumés responsables de ces crime devant une juridiction civile pour qu’ils soient rejugés. Les lourdes condamnations prononcées par le tribunal militaire avaient donné du grain à moudre aux ONG pro-Polisario pour attaquer le Maroc et écorner l’image d’un État de droit respectueux des droits de l’homme que Rabat tente d’imposer.
Le Polisario brandit la carte du droit humanitaire
Quelques jours avant le procès civil du 26 décembre, un collectif de 43 avocats étrangers (français, belges, espagnols, suisses et américains), soutenu par l’Association chrétienne contre la torture et la peine de mort (Acat), a publié une lettre de soutien aux 25 accusés sahraouis. Ils demandent l’application du droit humanitaire international à ces accusés, au motif que le Sahara, dans lequel se sont déroulé ces évènements, est un territoire non autonome, sous supervision onusienne. Dans leur lettre, ils demandent que le tribunal de Salé soit dessaisi de ce procès au profit d’un tribunal situé en territoire « contesté», que les prisonniers soient transférés vers une prison de ce même territoire et qu’une enquête soit ouverte sur des cas de torture présumée.
Familles des victimes, les oubliées du procès
« Il est tout de même hallucinant que ces avocats cherchent à braquer le regard sur le statut du Sahara alors que nous avons à faire à un crime affreux où 13 Marocains, dont onze membres des forces de l’ordre ont été sauvagement tués et mutilés », s’indigne Abdellatif Ouahbi, l’avocat d’une des familles des victimes.
Pour la première fois, ces familles vont se constituer partie civile pour se défendre. Elles n’ont pas pu le faire devant le tribunal militaire, les statuts de la justice militaire ne le permettant pas.
Les autorités marocaines, elles, rappellent le déroulement des événements et la douleur des familles des soldats tués. « Au niveau international, personne ne parle des victimes et de leurs familles qui n’ont pas encore fait leur deuil, comme s’ils étaient des moins que rien. De quelle justice parle-t-on ? » , s’indigne une source diplomatique marocaine. En octobre 2010, au moment des faits, les forces de l’ordre avaient été dépêchées à Gdeim Izik sans armes, munies simplement de boucliers et de marques. Les autorités marocaines ne voulaient pas envenimer une émeute, partie d’une contestation sociale, avec une intervention armée. Les soldats se sont alors trouvés sans défense face à leurs assaillants qui les ont massacrés et en ont profité aussi pour saccager la ville de Laâyoune.
Les prisonniers, bien traités selon le CNDH
Le Maroc affirme n’avoir rien à se reprocher sur le déroulement du premier procès – à l’époque, le tribunal militaire était compétent car il s’agissait de l’assassinat de membres de forces de l’ordre -, ni sur les conditions de détention des accusés sahraouis, actuellement emprisonnés à Salé. Une équipe du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), accompagnée d’observateurs internationaux, leur a rendu visite plusieurs fois dans leur prison. Selon ses rapports, « ils bénéficient de conditions de détention meilleures que les autres prisonniers du royaume ». Leur espace carcéral est deux fois supérieur à la norme internationale : 6 mètres carrés par détenu contre 3,4 à l’échelle internationale, et même 1,65 mètres carrés dans les autres prisons du royaume. » Sans parler des visites familiales et médicales. Dans son rapport, le Conseil affirme « n’avoir enregistré aucun mauvais traitement susceptible de mettre en cause leurs droits fondamentaux ».
Ce lundi, les autorités marocaines ont assuré avoir mis en oeuvre « toutes les conditions pour le bon déroulement du procès », en garantissant l’accès aux médias, observateurs et analystes politiques.
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