Au moins 13 personnes ont été tuées mardi au Kenya lors de la journée de manifestations antigouvernementales qui a viré au chaos, a déclaré mercredi à l'AFP le président de la principale association professionnelle de médecins du pays, estimant que ce bilan restait provisoire.
"Jusqu'à présent, nous avons au moins 13 personnes tuées, mais ce n'est pas le chiffre définitif. (...) Nous n'avons jamais vu auparavant, nous avons vu des violences en 2007 suite aux élections, mais jamais un tel niveau de violence contre des personnes non armées", a déclaré le président de la Kenya Medical Association, Simon Kigondu.
Le Kenya s'est réveillé était en état de choc mercredi au lendemain des violences, qui ont notamment vu des manifestants prendre d'assaut le Parlement, une première dans l'histoire du pays indépendant depuis 1963.
"Morts, désordre", titrait en une le quotidien The Standard, tandis que le Daily Nation qualifiait la situation de "Pandémonium" (capitale de l'enfer, ndlr), estimant que "les fondations du pays ont été profondément ébranlées", avec plusieurs morts et des scènes de chaos dans le centre de la capitale Nairobi.
Les rassemblements, principalement menés par des jeunes, avaient débuté la semaine dernière dans le calme, des milliers de manifestants défilant à Nairobi et dans d'autres villes du pays pour protester contre les nouvelles taxes prévues dans le budget 2024-2025, actuellement débattu au parlement.
Mardi, alors que les opposants manifestaient pour la troisième fois en huit jours, la tension est brusquement montée dans l'après-midi à Nairobi.
Selon des ONG, dont la branche kényane d'Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé les barrages de sécurité pour pénétrer dans l'enceinte du Parlement. Des bâtiments ont été saccagés et partiellement incendiés.
Des pillages ont eu lieu à Nairobi et dans plusieurs villes. Des bâtiments ont été incendiés à Eldoret, dans la vallée du Rift, pourtant le fief du président William Ruto.
Quelques heures plus tard, le gouvernement a annoncé déployer l'armée pour soutenir la police face à cette "urgence sécuritaire" et à ces "destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales".
Dans la soirée, le président Ruto a affiché sa fermeté en s'engageant à réprimer fermement la "violence et l'anarchie", en promettant notamment de faire payer ces "criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques" qui font "régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions".
- Pillages -
Le gouvernement a été pris de court par l'intensité de l'opposition à ses projets de hausses fiscales, principalement menée par les jeunes Kényans de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997).
Mercredi matin, une forte présence policière était déployée autour du parlement, où des effluves de gaz lacrymogène flottaient encore dans l'air, a constaté l'AFP.
Posté devant les barricades brisées du complexe, un policier explique à l'AFP avoir été choqué par ce qu'il a vu la veille à la télévision. "C'était de la folie, nous espérons que le calme reviendra aujourd'hui", dit-il.
La principale coalition d'opposition, Azimio, menée par l'opposant historique Raila Odinga, a accusé le gouvernement d'avoir "déchaîné sa force brute" contre les manifestants et exhorté la police à "cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés".
Le groupe d'ONG mené par Amnesty Kenya a également souligné mardi avoir relevé 21 enlèvements de personnes par des "officiers en uniforme ou en civil" au cours des 24 heures précédentes, des accusations sur lesquelles la police, sollicitée par l'AFP, n'a pas réagi.
- Inquiétude internationale -
Les violences et scènes de chaos à Nairobi ont alarmé mardi les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens, ainsi que l'ONU et l'Union africain, qui se sont déclarés "fortement préoccupés" par les violences et ont appelé au calme.
Le mouvement de contestation contre les taxes, baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement") a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant notamment une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Après un début de contestation, le gouvernement, qui juge de nouvelles taxes nécessaires au vu du lourd endettement du pays, a annoncé le 18 juin retirer la plupart des mesures prévues à cet effet.
Mais les manifestants demandent le retrait intégral du texte.
Avant la journée de mardi, cette mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d'arrestations.
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