Le rapport annuel 2023 du vérificateur général du Mali, présenté par Samba Alhamdou BABY, met en lumière des irrégularités financières graves, notamment dans le secteur de l’éducation, et soulève des préoccupations majeures quant à la gestion des ressources publiques au Mali. Ce document, issu des missions de vérification menées par le Bureau du vérificateur général, BVG, expose des pratiques de corruption et de mauvaise gestion qui ont un impact direct sur le quotidien des citoyens. Dans un climat de transition, où le pays cherche à restaurer la confiance et à éradiquer la corruption, le rapport devient un outil clé pour évaluer les avancées de la lutte contre ce fléau et identifier les défis structurels restant à surmonter. Le 14 novembre 2023, une cérémonie solennelle a eu lieu au Palais présidentiel de Koulouba à Bamako, où le vérificateur général a remis son rapport au Président de la Transition, le Général Assimi GOITA.
Mission de vérification ; un état des lieux préoccupant
Le rapport 2023 couvre un ensemble de 50 missions de vérification et d’évaluation des politiques publiques, portant sur des secteurs cruciaux pour la vie quotidienne des citoyens maliens. Parmi ces missions, on compte 35 vérifications financières et de conformité, 4 vérifications de performance, 8 vérifications de suivi des recommandations précédentes et 3 évaluations de politiques publiques. Les résultats sont alarmants, en particulier dans le secteur de l'éducation, où plus de 19 milliards de FCFA d'irrégularités ont été relevés entre 2017 et 2022.
Les irrégularités financières constatées dans ce secteur sont particulièrement choquantes. Elles incluent des cas de subventions injustifiées versées à des établissements privés, des bourses et pensions alimentaires indûment payées à des étudiants non éligibles, ainsi que des paiements effectués sur la base de textes réglementaires obsolètes. Comme quand un montant de 18,957 milliards de FCFA a été versé pour des bourses fondées sur un décret de 1992 abrogé en 1994. Également, des paiements ont été effectués pour des étudiants dont la scolarité était déjà terminée ou pour des élèves inscrits deux fois dans différentes écoles. Des pratiques qui révèlent non seulement un dysfonctionnement au sein de l’administration, mais aussi un manque de rigueur dans le contrôle de l’utilisation des fonds publics.
Le rapport 2023 du vérificateur général met en évidence la transmission de plusieurs dossiers d'irrégularités aux autorités judiciaires compétentes. Parmi les 35 dossiers dénoncés au procureur de la République, 32 sont en cours de traitement par la brigade d'investigation spécialisée, les cabinets d'instruction spécialisés et le Parquet national économique et financier. Néanmoins, les progrès restent lents. Certains dossiers en sont encore au stade préliminaire, avec des enquêtes en cours ou des instructions en attente, tandis que d’autres ont été transférés à la Cour Suprême pour une suite judiciaire. Une lenteur du processus judiciaire qui souligne les obstacles structurels auxquels le système judiciaire malien est confronté, entravant ainsi le traitement rapide des affaires de corruption. La question de la transparence et de l'indépendance de la justice devient alors un enjeu majeur pour garantir une véritable lutte contre la corruption.
Le président de la transition, le général Assimi GOITA, a réaffirmé son engagement à faire de la lutte contre la corruption et la délinquance financière une priorité de son mandat. Pendant la cérémonie de remise du rapport, il a exprimé sa reconnaissance envers le bureau du vérificateur général pour son travail de vérification et d’analyse, tout en insistant sur la nécessité de créer un environnement où la corruption serait totalement exclue. Pour lui, il est essentiel d'adopter une approche systématique et rigoureuse afin d’éradiquer la corruption à tous les niveaux de l'État et de la société malienne.
Les autorités maliennes semblent donc déterminées à renforcer la transparence et la responsabilité dans la gestion des finances publiques. Néanmoins, la question demeure ; le système judiciaire et les institutions de contrôle disposeront-elles des ressources et des moyens nécessaires pour mener cette lutte à son terme et garantir que justice soit rendue ?
Bien que la remise du rapport annuel 2023 marque un progrès significatif dans la lutte contre la corruption au Mali, les défis restent nombreux. Les irrégularités financières relevées dans des secteurs stratégiques comme l’éducation mettent en évidence l’urgence de la mise en place de mécanismes de contrôle plus efficaces pour éviter la fuite des ressources publiques. Si le vérificateur général a réalisé un travail de vérification minutieux, l’efficacité de la lutte contre la corruption dépendra de la capacité des autorités à garantir une justice rapide, impartiale et transparente.
En conclusion, le Mali se trouve à un carrefour décisif. Le succès de la transition dépendra en grande partie de l'engagement des dirigeants politiques à respecter leurs promesses de réformes structurelles et à lutter contre la corruption avec la rigueur nécessaire. Seul un effort collectif, associant autorités politiques et judiciaires, citoyens, pourra offrir au pays les moyens de se redresser et de réaliser son développement.
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