Après la mort d'au moins 125 civils tués début septembre dans le nord de l'Éthiopie, les rebelles du Tigré nient toute implication dans ce massacre. Les combats qui font rage dans la zone s'accompagnent d'accusations mutuelles entre le pouvoir central et les responsables du TPLF.
Le conflit au Tigré se joue sur le terrain autant que sur le champ de la communication. Alors qu'au moins 125 civils ont été tués début septembre en Amhara, région du nord de l'Éthiopie gagnée par le conflit qui fait rage au Tigré voisin, selon des médecins locaux, les rebelles tigréens ont nié mercredi 8 septembre toute responsabilité dans le massacre. "Nous rejetons catégoriquement les allégations selon lesquelles nos forces seraient impliquées dans le meurtre de civils", a déclaré Getachew Reda, porte-parole du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), sur Twitter.
De leur côté, des médecins assurent qu'au moins 125 civils ont été tués par les forces du TPLF dans le village de Chenna, dans la région Amhara, au sud du Tigré. Le de l'hôpital de la ville voisine de Dabat, a notamment déclaré à l'AFP avoir vu de ses propres yeux une fosse commune avec 125 morts, et que les recherches se poursuivaient pour trouver d'autres corps.
Le bilan n'a pu être vérifié de manière indépendante, et l'AFP n'a pas été en mesure de confirmer si les personnes tuées étaient effectivement des civils. "Nous réitérons notre appel à une enquête indépendante sur toutes les atrocités [commises], et notre volonté de faciliter l'accès des médias aux zones sous notre contrôle pour une vérification indépendante de toutes les allégations", a ajouté Getachew.
Enquête
La Commission éthiopienne des droits humains – un organisme indépendant mais rattaché au gouvernement – s'est dite "alarmée" par ces informations, précisant que les autorités enquêtaient pour confirmer le nombre et l'identité des victimes.
Le nord de l'Éthiopie est le théâtre de violents combats depuis novembre, lorsque le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l'armée au Tigré pour destituer les autorités régionales dissidentes, issues du TPLF. Cette intervention répondait selon lui à des attaques contre des camps militaires fédéraux orchestrées par le TPLF.
Le Prix Nobel de la Paix 2019 a déclaré la victoire fin novembre après la prise par les soldats éthiopiens de la capitale régionale Mekele, mais le conflit s'est ensuite enlisé et fin juin, les forces rebelles pro-TPLF ont repris le contrôle de l'essentiel du Tigré.
Elles ont poursuivi leur offensive dans les régions voisines de l'Amhara et de l'Afar, afin de mettre fin à ce qu'elles décrivent comme un blocus humanitaire du Tigré et empêcher les forces pro-gouvernementales de se regrouper.
Accusations mutuelles
Cette propagation des combats, qui a fait des centaines de milliers de déplacés, s'est accompagnée d'accusations d'exécutions sommaires et de bombardements aveugles par les rebelles, démenties par le TPLF.
Le gouvernement d'Abiy Ahmed et le TPLF se rejettent la responsabilité de la situation humanitaire catastrophique dans le Nord de l'Éthiopie. Selon l'ONU, au moins 400 000 personnes vivent dans des conditions proches de la famine au Tigré, et en Afar et en Amhara, 1,7 million de personnes sont confrontées à la faim.
Les dirigeants du TPLF ont affirmé lundi soir que 150 personnes étaient mortes de faim en août et averti qu'un million "risquaient une famine mortelle s'ils étaient privés d'une aide vitale dans les prochains jours".
Ces chiffres ne peuvent être vérifiés de manière indépendante. L'ONU, l'Union africaine, puissances étrangères et ONG ont appelé à de nombreuses reprises à un accès sans entrave pour les convois humanitaires.
Lundi, la ministre éthiopienne de la Paix, Muferiat Kamil, a réitéré la position du gouvernement : "c'est le TPLF qui asphyxie les check-points, le corridor humanitaire. Ce n'est pas nous".
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a salué mardi l'arrivée au Tigré de plus d'une centaine de camions transportant nourriture et aide non-alimentaire, le premier convoi en deux semaines.
Mercredi, le porte-parole du Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Saviano Abreu, a déclaré mercredi à l'AFP avoir reçu des "rapports non-confirmés de décès" dans des camps de déplacés.
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