Le Parquet sud-africain a fait machine arrière dimanche en retirant
l'inculpation pour le meurtre de 34 de leurs camarades abattus par la
police de 270 mineurs grévistes de la mine de Marikana (nord), qui avait
ému tout le pays.
Arrêtés à Marikana le 16 août juste après que la police eut tiré sur une
foule hostile de manifestants armés de lances et de machettes -faisant
34 morts et 78 blessés-, les mineurs avaient été inculpés pour meurtre
jeudi, ce qui avait suscité l'indignation en Afrique du Sud, la décision
du Parquet rappelant les bonnes vieilles méthodes de l'apartheid.
Le
ministre de la Justice Jeff Radebe avait demandé des explications au
Parquet, le magistrat Esau Bodigelo n'ayant précisé sur quel texte il
s'était fondé. De nombreux juristes estiment que le procureur a utilisé
une loi anti-émeutes de 1956, toujours en vigueur, qui était très prisée
du temps de l'apartheid: le texte prévoit que soit inculpée pour
meurtre toute personne arrêtée sur le site d'une fusillade impliquant la
police, que les victimes soient des policiers ou non.
La chef du
Parquet, Nomgcobo Jiba, a finalement annoncé lors d'une conférence de
presse dimanche que cette inculpation controversée était suspendue et
que les 270 mineurs allaient être libérés sous condition. "L'inculpation
pour meurtre des 270 suspects actuels, qui de toute façon était
provisoire, va être provisoirement retirée par le tribunal lors de leur
prochaine comparution", théoriquement prévue jeudi, a-t-elle annoncé.
"La décision et l'annonce des chefs d'inculpation finalement retenus
contre les personnes impliquées n'auront lieu qu'une fois que toutes les
enquêtes auront été bouclées", a-t-elle ajouté, citant notamment la
commission d'enquête installée par le président Jacob Zuma.
Les
intéressés étaient également poursuivis pour complicité de meurtre,
rassemblement interdit, port d'arme illégal ou menace contre des
collègues non-grévistes. Si les policiers n'ont pour l'instant pas été
inquiétés -bien que des témoins et des journalistes ayant fureté sur
place les eussent accusés d'avoir pourchassé et abattu de sang froid une
bonne partie des victimes de Marikana-, les 270 mineurs étaient en
prison depuis le 16 août. Ils seront libérés dès lundi si leur adresse a
pu être vérifiée, a précisé Mme Jiba. Ce qui n'est pas forcément
évident, nombre d'entre eux habitant dans des bidonvilles aux abords de
la mine.
Le Parquet comble ainsi les avocats des intéressés, qui
avaient interpellé le président Zuma dans une lettre ouverte, lui
donnant jusqu'à dimanche pour faire libérer leurs clients. Le chef de
l'Etat avait répondu qu'il "ne (pouvait) pas accéder à leur demande",
soulignant que la justice était indépendante et rappelant qu'il avait
mis en place une commission d'enquête.
Nomgcobo Jiba n'a pas
précisé dimanche si elle avait subi une quelconque pression de
l'exécutif. Mais elle a tout de même défendu la décision du procureur
qu'elle a suspendue: "La décision d'inculper les mineurs pour meurtre
s'appuie sur une base juridique solide qui non seulement fait partie de
notre législation depuis des décennies, mais demeure toujours pertinente
et applicable dans notre système démocratique." "Le Parquet a appliqué
ce principe dans de nombreux cas auparavant. Son application à ce cas
spécifique ne serait donc pas unique", a-t-elle ajouté.
La mine
de platine de Marikana (groupe Lonmin) est quasiment paralysée depuis
que 3.000 foreurs se sont mis en grève le 10 août pour exiger un
triplement de leurs salaires. Dix hommes, dont deux policiers et deux
gardes de sécurité, ont été tués entre le 10 et le 12 août dans des
affrontements intersyndicaux. Puis 34 personnes ont été abattues par la
police le 16.
1 Commentaires
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En Septembre, 2012 (23:55 PM)Participer à la Discussion