Dans la première partie de cet article, la ‘de-romantisation’ du concept de leadership a été abordée afin de mieux le mettre à la disposition des élèves à l’école. Cette ‘de-romantisation’ présente le leadership comme étant essentiellement un apprentissage et se caractérise par un ensemble de connaissances et compétences disponibles à tout individu qui y mettrait les efforts et sacrifices nécessaires. Cette ‘de-romantisation’ a aussi soulevé deux autres exigences du leadership: une vision claire et la capacité à résoudre les problèmes du groupe. Dans cette deuxième partie, le constructivisme est présenté comme une pédagogie qui renforce le sens du leadership chez l’apprenant et donc nécessite d’être plus utilisé dans les écoles sénégalaises.
II. Plus d’appropriation du constructivisme comme pédagogie active
Si l’on considère que toute innovation effective dans une organisation s’opère d’abord par les plus petits éléments de base, selon le ‘bottom-up’ approche du changement organisationnel (McCarthy, 2009), on voit que le leadership comme facteur du curriculum, dans un système éducatif innovant, doit d’abord se manifester au niveau de l’élément pédagogique. Cet élément pédagogique est le premier contact entre l’élève et ses parents, l’élève et son enseignant, l’élève et les autres acteurs scolaires dans le processus éducationnel. Ce processus positionne l’élève comme étant l’élément constant de toutes ses relations et donc l’élément principal dans tout le système éducatif. C’est de lui que tout commence; c’est de lui que tout se poursuit et donc c’est de lui qu’il s’agit essentiellement.
Le constructivisme a été développé à travers la philosophie éducationnelle psycho-constructiviste de Piaget (1929) et socio-constructiviste de Vygotsky (1986). Il souligne que l’apprentissage est un processus dynamique ou l’apprenant, à travers l’activité dans laquelle il se situe, participe à la construction de ses connaissances. Le processus constructiviste mimique le parcours de toute théorie scientifique avant sa formulation. Cette formulation est généralement précédée chez l’individu d’une interrogation ou d’un étonnement par rapport à un phénomène. Elle se poursuit par des tâtonnements, des vas et viens et des erreurs jusqu'à aboutir à une formulation du savoir. Le constructivisme, comme pédagogie active, tente de placer l’apprenant dans ce même processus d’errements, de formulation d’hypothèses et de déductions considérés plus effectifs pour la compréhension qu’une simple transmission du savoir.
Il ne s’agit pas pour l’apprenant de reconstruire tout le savoir déjà existant, toutes les théories déjà formulées. Ce qui est visé dans ce processus pédagogique, c’est d’aider l’apprenant à être familier avec le processus de construction du savoir tout en s’adaptant à son propre contexte. Comme le souligne bien Hirtt (2009) « On peut amener les élèves à découvrir et à formuler des éléments des théories de Galilée et de Newton à partir de questionnements qui, aujourd’hui, seront plus efficaces et davantage porteurs de sens que de vouloir les replonger dans le contexte culturel du XVIIe siècle ».
En mettant l’accent en premier sur le processus de l’apprentissage, le constructivisme s’est développé à l’opposé du behaviorisme, pédagogie qui met l’accent sur le comportement idéal escompté à la fin de l’apprentissage à partir d’un scenario de stimulus-réponse. Le processus constructiviste du savoir s’adapte à tous les domaines et fait de l’élève un apprenant à vie.
Dans un contexte constructiviste d’apprentissage, l’enseignant jadis considéré comme le seul détenteur du savoir qu’il doit passer directement à l’élève à travers la récitation et la mémorisation, est en réalité plus adapté au rôle de guide et de facilitateur. L’élève devient, pour emprunter les expressions de Lebrun (2002), plus un ‘feu à attiser’ qu’un ‘vase à remplir’. Les moyens pour ‘attiser le feu’ deviennent multiples, allant de la capacité de poser de bonnes questions à l’apprentissage par résolution de problèmes et l’apprentissage coopératif ou par projet.
L’un des rôles de l’enseignant comme facilitateur est, par exemple, d’aider les enfants à engager effectivement leur connaissances antérieures par rapport aux connaissances nouvelles pour leur permettre d’établir facilement des connections. Ainsi, l’enseignant aide l’élève à se poser de bonnes questions, d’aller chercher des informations pertinentes pour y répondre, d’exprimer ses idées mais aussi d’être à la mesure d’écouter les idées des autres, et enfin de réfléchir sur sa propre expérience à la fin de chaque leçon.
L’exposition des élèves à des stratégies cognitives et métacognitives qu’ils peuvent tester eux-mêmes et qui leur permettent de gérer leur savoirs constituent d’autres opportunités pour l’enseignant. Comme suggéré dans mon article intitulé Langues nationales et apports cognitifs, la construction d’une carte conceptuelle par rapport à une idée ou un concept, la construction d’analogies et de métaphores dans un domaine, et la stratégie métacognitive qui consiste à cerner ce qui se passe dans sa tète quand on réfléchit bien, sont toutes des stratégies qui ressortent de la pédagogie active de construction du savoir.
Les détracteurs du constructivisme comme pédagogie dominante à l’école, de peur que l’enseignant ne perde son autorité ou par manque de formation adéquate, aiment souligner certains facteurs qui les détournent de cette approche pédagogique. Un de ces facteurs est qu’un enfant qui vient de commencer et qui n’a pas de base ne peut pas participer à la construction de ses connaissances. Il doit donc être enseigné exclusivement avec une pédagogie de transmission directe du savoir. D’autres facteurs aussi soulignés sont: qu’une vraie anxiété existe chez l’enseignant à faire passer tout un programme scolaire dans un délai précis, que les savoirs fondamentaux doivent d’abord passés à travers la transmission directe et le constructivisme et l’errance des élèves après, que le travail en groupe apporte peu aux élèves.
Ces facteurs feront plus de discussion ailleurs. Ce qui est incontestable, c’est qu’un groupe d’élèves quelque soit leur niveau, nécessite rarement une seule approche pédagogique. Un mélange de pédagogies est souvent nécessaire, suivant l’apprenant et le contexte dans lequel il se trouve. D’autre part, la pédagogie constructive n’assume jamais que l’élève quelque soit son âge vient en classe en tant que « tabula rasa ». Il vient toujours avec des «connaissances» sur lesquelles il faut construire d’autres, même si celles-ci sont incomplètes, mal structurées ou totalement fausses.
Le constructivisme, en offrant à l’élève l’occasion de participer à la construction de son savoir, en même temps, l’informe qu’il est important en tant qu’individu et lui donne un sens de leadership dans son éducation. Il cultive ainsi en lui un sens d’intérêt et de propriété privée par rapport à son apprentissage et le pousse à fournir des efforts et à rester motivé. Le constructivisme devient une pédagogie effective de construction des connaissances et d’apprentissages du leadership. En lui donnant la chance de participer à la construction du savoir, le constructivisme, comme la ‘de-romantisation’ du concept de leadership, promeut l’égalité de chances et œuvre pour un certain leadership de l’élève par rapport à ce qu’il peut apprendre et comment il peut l’apprendre.
Le constructivisme est utilisé dans les écoles sénégalaises depuis longtemps. Cependant, il doit être plus exploité dans ses potentialités d’innover l’école sénégalaise, d’égaliser les chances, et de donner aux élèves plus de sens critique d’être des leaders de demain. Pour cela, l’accent sur la formation des enseignants est primordial surtout dans l’élémentaire ou la transmission littérale des connaissances est automatique.
III. Implications
La ‘de-romantisation’ du concept de leadership et une meilleure appropriation du constructivisme comme pédagogie active ont, au moins, cinq implications pour le leadership en général mais surtout en milieu scolaire:
1. un leadership d’une vision claire
Comme dans tout leadership, le leadership à l’école doit s’inscrire dans une vision claire qui alimente et exalte la conscience des élèves, enseignants, administrateurs, et parents dans ce qu’ils font et représentent tous les jours. Cette vision doit s’inscrire dans la vision globale de l’ensemble du système éducatif mais aussi il doit s’inspirer des réalités et besoins qui déterminent chaque établissement scolaire.
2. un leadership partagé
Les arguments en faveur de la ‘de-romantisation’ du concept de leadership et du constructivisme comme pédagogie active, montrent que tout vrai leadership est partagé: partagé entre les acteurs principaux, mais aussi partagé entre les différents problèmes à résoudre et les ordres de priorité qu’ils doivent prendre. Les élèves qui jadis étaient négligés dans la chaine des leaders et des prises de décisions à l’école deviennent cruciaux, tant par ce qu’ils peuvent apprendre, comment ils l’apprennent et pourquoi ils l’apprennent. Ce partage n’exclut rien, en effet, du rôle de contrôle que doit jouer l’autorité centrale.
3. un leadership des valeurs et des comportements
Le partage des responsabilités à travers un leadership partagé surtout avec la nouvelle place donnée aux élèves n’élimine en rien les rôles d’autorité et de modèle que doivent jouer les autres acteurs principaux de l’école. Parmi ces acteurs, le leadership de l’enseignant est primordial. Car, si le facteur premier qui influence la réussite des élèves est la formation des enseignants, comme la recherche ne cesse de nous le rappeler (Gauthier et Dembélé, 2004), ce que font les enseignants dans et en dehors des salles de classes deviennent toutes des questions de leadership.
4. un leadership situé
Le vrai leadership est aussi situé dans le temps et dans un contexte bien précis. Dans tous les pays du monde, l’école est l’institution sociale la plus résistante au changement de par ses structures rigides et son conservatisme. Tout leadership scolaire doit donc non seulement prendre en compte les réalités et besoins de chaque établissement, département, ou région en question, mais aussi il doit tenir compte des changements socio-économiques, démographiques et technologiques rapides qui font que ce qui compte comme savoir ou compétence pour être compétitif varie très rapidement.
5. un leadership des ‘bonnes pratiques’.
Pour emprunter la tentative de définition d’Abdoulaye Anne (2003), une ‘bonne pratique’ «semble être une façon de faire qui donnerait des résultats probants et qui dans sa mise en œuvre peut révéler une innovation par rapport à ce qui se faisait jusque-là». En effet, l’idée des ‘bonnes pratiques’ en éducation est issue du besoin d’articuler le savoir faire accumulé par des praticiens comme les enseignants dans une situation éducative donnée, avec ce que nous apprend la recherche systématique par rapport à cette même situation. Une ‘bonne’ ou ‘meilleure’ pratique est donc ce qui marche dans une situation éducationnelle et renforcée par la recherche. Ces ‘bonnes pratiques’ peuvent être dans tous les domaines de la vie éducative: la formation des enseignants, les pratiques pédagogiques, le leadership des élèves, l’utilisation plus effective des nouvelles technologies dans les écoles, etc. Tout en étant très attentif aux différences culturelles et contextuelles, le leadership dans les écoles doit être à la recherche permanente de ces ‘bonnes pratiques’ pour s’ouvrir au reste du monde et s’adapter aux changements nécessaires.
Références
Anne (2003). Conceptualisation et dissémination des « bonnes pratiques » en éducation : Essai d’une approche internationale à partir d’enseignements tirés d’un projet.
Elmore (2000). Building a new structure for school leadership.
Feather (1969). Attribution of responsibility and valence of success and failure in relation to initial confidence and task performance.
Gauthier et Dembélé (2004). Qualité de l’enseignement et qualité de l’éducation: revue des résultats de recherche.
Hirtt (2009). L’approche par compétence: une mystification pédagogique.
Lebrun (2002). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre: Quelle place pour les TIC dans l’éducation?
Lipset (1997). American Exceptionalism: A double-edge sword.
Maslow (1962).Toward a Psychology of being.
McCarthy (2009). Implementing curriculum change: a “bottom up” approach.
Northouse (2004). Leadership: Theory and practice.
Piaget (1929). The child’s conception of the world.
Tollefson (2000). Classroom applications of cognitive theories of motivation.
Vygotsky (1986). Thought and language.
Zaccaro (2007). Trait-based perspectives of leadership. American Psychologist, 62, 6-16.
Dr. Seynabou Diop
Spécialisée dans les Sciences de l’Education
<140>Ndiop24@gmail.com
8 Commentaires
Quelle Idiote Celle Là?
En Mars, 2013 (23:31 PM)sénéweb , pourquoi n'umporte quelle idiote vous ponde des trucs , vous le publier
non , il y'en a marre
Yankee
En Mars, 2013 (00:31 AM)Papa Tall
En Mars, 2013 (01:37 AM)Mouk
En Mars, 2013 (06:07 AM)Yummi
En Mars, 2013 (09:58 AM)Mbabadiakhou
En Mars, 2013 (15:47 PM)Sur la forme :
- des fautes de grammaire : "où"avec accent dans "un processus dynamique ou l’apprenant, à travers l’activité dans laquelle il se situe" ; "va-et-vient" n. m. invar.;
le fond :
- D'où tenez-vous cette affirmation : Dakar absorbe plus de 50% des ressources éducatives du pays (fournissez vos sources);
- Avez-vous connaissance de ce qui se fait dans écoles : coopérative scolaire, projet d'école, club socio-éducatif, gouvernement scolaire, travail de groupe etc.
- Vous mobilisez de concepst inappropriés ex. égalité des chances (sociologie)
- Absence de connecteurs dans votre démarche qui ne fait pas ressortir les liens entre vos idées (beaucoup de placage)
Le concept de leadership n'est pas approprié, Vous voulez nous démontrer que notre système a intérêt à s'inscrire davantage dans une perspective socioconstructiviste pour favaoriser la "réussite de tous" en situant l'élève au centre du processus d'apprentissage.
Pas besoin de théoriser de 1900 à 2013.
Les théories et études sur lesquelles les chercheurs occidentaux et autres se fondent ont été développées et réalisées dans des contextes et conditions qui n'ont rien à voir avec les notres.
En france, aux usa ou dans les pays nordiques 30 élèves dans une classe constitue un effectif pléthorique; au pays jusqu'à 60 élèves c'est normal.
Le français n'est pas la langue maternelle des élèves .
L'écrit n'est pas encore partie intégrante de notre culture.
etc........
Menons des études sur ce qui se fait et existe chez nous ce qui nous donnera de la matière propre
Mbabadiakhou
En Mars, 2013 (15:53 PM)Le français n'est pas la langue maternelle des élèves .
L'écrit n'est pas encore partie intégrante de notre culture.
etc........
Menons des études sur ce qui se fait et existe chez nous ce qui nous donnera de la matière propre
Sa Matt Goloniaye
En Mars, 2013 (17:44 PM)Cpdt, je reste sur ma faim car l'auteur reste trop theorique!
Les attaques sur l'auteur de ce texte demontre, si besoin en est de l'alienation profonde d'une bonne partie du peuple senegalais.
Cela m'amene a dire k le probleme majeur du pays decoule des colonisations arabe et francaise.
Je ne comprends toujours pas comment peut-on se glorifier a reciter des formules et memoriser des versets dont l'ignore l'essence meme?!....l'education senegalaise est malade!.....Par ex. comment etant, un native du village de Tivaoune, lorsque je pars a l'ecole primaire je suis oblige d'apprendre "La Banane" et non "La Mangue"?!....ainsi je connais l'histoire et les exploits de Napoleon et de la bataille de Badre, de la ville de Jerusalum que l'histoire de Ngol-ngol, et meme de mon propre village et de mon passe!!
Ce pays est definitivement perdu!
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