Gibril Massaquoi encourt la perpétuité pour une série d’assassinats, de viols et d’actes de torture commis ou ordonnés par lui entre 1999 et 2003.
Le procès d’un ancien rebelle sierra-léonais, accusé de crimes de guerre et d’une longue liste d’atrocités durant la guerre civile au Liberia voisin, s’ouvre, mercredi 3 février, en Finlande, avant une longue délocalisation inédite sur le sol libérien dans deux semaines.
Surnommé à l’époque « l’Ange Gabriel », Gibril Massaquoi encourt la perpétuité pour des « crimes de guerre aggravés » et « crimes contre l’humanité aggravés » qu’il est accusé d’avoir commis ou ordonné entre 1999 et 2003. Il était alors un haut responsable du Front révolutionnaire uni (RUF), une milice armée sierra-léonaise dirigée par le caporal Foday Sankoh, proche de l’ex-chef de guerre libérien devenu président Charles Taylor. Agé de 50 ans, l’accusé, qui vit en Finlande depuis 2008, nie toute implication.
L’audience s’est ouverte mercredi matin à 8 heures devant le tribunal de Tampere, ville du sud de la Finlande où l’accusé avait été arrêté en mars 2020 après la mobilisation d’ONG.
Ce rare procès contre un acteur d’une des pires guerres du continent africain, qui avait fait 250 000 morts et des millions de déplacés entre 1989 et 2003, va être l’objet d’une première historique. Mi-février, la cour se déplacera pour au moins deux mois au Liberia et en Sierra Leone pour entendre quelque 80 témoins et visiter les lieux de crimes dont Gibril Massaquoi est accusé. Ex-porte-parole du RUF, il comparaît pour une série d’accusations de crimes, de viols et d’actes de torture commis en personne ou par ses soldats, selon le dossier d’accusation de près de 4 000 pages compilé par la justice finlandaise.
« Souffrance irréparable »
Dans le village de Kamatahun, proche de la frontière sierra-léonaise, dans le nord du Liberia, des témoins l’accusent d’avoir ordonné d’enfermer des civils, dont des enfants, dans deux bâtiments avant de les réduire en cendres.
Au moins sept femmes ont été violées et tuées dans la même localité, tandis que les cadavres d’autres habitants ont été découpés en morceaux et « transformés en nourriture que Massaquoi a également mangée », selon le dossier des procureurs.
Ce dernier inclut également des accusations de meurtres et de viols de masse ailleurs dans la province de Lofa (Nord), ainsi que dans la capitale Monrovia. Ainsi que des mises en cause pour esclavage et recrutement d’enfants soldats.
Les crimes ont « délibérément et systématiquement » violé le droit humanitaire international, infligeant « une souffrance et des dommages irréparables » aux familles des nombreuses victimes, selon les procureurs.
Gibril Massaquoi affirme, lui, qu’il était engagé dans des négociations de paix ailleurs dans la région à l’époque de ces atrocités. « Il nie toutes les accusations (…) il n’était pas là », a affirmé à l’AFP son avocat, Kaarle Gummerus.
Jadis professeur, l’accusé avait été autorisé à s’installer en Finlande après avoir donné des preuves en 2003 à la Cour spéciale pour la Sierra Leone mise en place par l’ONU. Il avait alors reçu une immunité pour les actes commis dans son pays, mais pas au Liberia.
Après la guerre civile, la plupart des commandants des différents groupes armés ont fui le pays et les condamnations restent l’exception, même si des condamnations ont été prononcées aux Etats-Unis et des procès et des poursuites sont en cours en Suisse et en France.
« Décision révolutionnaire »
L’annonce du procès en janvier par la justice finlandaise a été saluée au Liberia. « C’est un signal que les crimes commis pendant la guerre civile ne resteront pas impunis », a déclaré à l’AFP le militant des droits humains Adama Dempster, à Monrovia.
A l’origine des poursuites en Finlande, Civitas Maxima, une ONG qui œuvre à faire juger les criminels de guerre, s’est réjouie d’une décision « révolutionnaire » pour établir « les responsabilités des pires atrocités de ce monde ».
L’ex-président Charles Taylor purge une peine de prison depuis 2012, mais pour les crimes commis au Sierra Leone, pas dans son pays, où aucun tribunal pour crimes de guerre n’a été institué.
« Je me réjouis de ce procès et nous prions pour qu’un tribunal ouvre au Liberia », confie Alexander Fayiah, un survivant d’une attaque du RUF contre son village lorsqu’il avait 12 ans. « Lorsqu’ils sont partis, il n’y avait plus rien. Les maisons étaient brûlées, les femmes violées et les gamins enlevés pour devenir des enfants soldats », se souvient le quadragénaire.
La cour de Tampere prévoit de revenir en Finlande en mai pour deux mois supplémentaires d’audience, avec un verdict attendu en septembre.
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