Près de 5 millions de Guinéens sont appelés aux urnes ce dimanche 22 mars pour un double scrutin rassemblant les législatives et un référendum constitutionnel contesté. À la veille du vote, des heurts ont éclaté dans le pays et le président Alpha Condé a cherché à répondre aux inquiétudes de la communauté internationale.
Le président guinéen Alpha Condé a pris la parole ce samedi 21 mars dans l'après-midi, lors d'une allocution à la veille du double scrutin auquel sont conviés les Guinéens. Dimanche 22 mars, les électeurs sont appelés à renouveler leurs députés mais aussi à se prononcer par référendum sur la nouvelle Constitution. La modification de la loi fondamentale pourrait permettre au chef de l'État de briguer un troisième mandat.
L'opposition guinéenne s'oppose catégoriquement à ce référendum. Vendredi, les partenaires internationaux de la Guinée, l'Union européenne, la Cédéao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest), l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont exprimé de fortes réserves sur la fiabilité du processus électoral. Alpha Condé leur a répondu indirectement.
"La Cédéao, l'Union africaine et l'OIF ont fait des recommandations à travers les experts, qui ont été intégralement prises en compte, a déclaré le président. Nous remercions la Cédéao et l'UA (Union africaine) dont nous sommes membres fondateurs. Nous remercions également l'OIF, à laquelle nous appartenons de part notre histoire et notre culture. Guinéennes, Guinéens, très chers compatriotes, les prochaines élections vont se dérouler dans la transparence, dans le respect absolu des règles démocratiques et des usages républicains."
Moussa Faki, président de la Commission de l'Union africaine, a fait part ce samedi de sa préoccupation "face aux tensions et aux divergences qui prévalent entre les acteurs politiques guinéens et leurs conséquences potentielles sur la stabilité à long terme du pays". Il invite toutes les parties concernées à s'abstenir de toute action susceptible de compliquer davantage la situation actuelle.
Heurts et incidents à travers le pays
À la veille de ce double scrutin, des tensions ont éclaté un peu partout sur le territoire, tant à Conakry que dans plusieurs localités à l'intérieur du pays où manifestants anti-nouvelle Constitution et forces de l'ordre se sont affrontés. À Conakry, les quartiers chauds de la capitale, favorables à l'opposition, ont été le théâtre d'incendies, de pillages et d'actes de vandalisme.
À l'intérieur du pays, des manifestants se sont attaqués aux symboles. C'est le cas notamment de Labé, où des individus non-identifiés ont mis le feu à l'historique palais de la Kolima, vieux de plus d'un demi-siècle, qui devait servir demain de bureau de vote. À Mamou, dans le centre du pays, deux écoles qui devaient aussi servir de bureau de vote ont été incendiées. Et les locaux de la gendarmerie de Porédaka ont été vandalisés ainsi que du matériel électoral brûlé.
La même scène a été observée à Yomou, dans l'extrême sud du pays, où le palais de justice est parti en fumée. Et la localité de Palé a enregistré des violences de même nature. Enfin, Télimélé, au centre-ouest, et Boké à l'ouest, ne sont pas restées en marge de ces manifestations.
Les citoyens ont libres d'aller voter. Ceux qui ne veulent pas voter sont libres de rester. Mais quiconque sera interpellé dans la rue en train d'empêcher ou de vandaliser, devra rendre des comptes devant la juridiction compétente.
Tensions et dernier préparatifs avant le vote de ce dimanche
Six mois de manifestations
Ce vote survient donc dans un contexte de tensions et de violences qui dure depuis six mois. Opposition et société civile pensent que le président sortant, Alpha Condé, tentera de briguer un troisième mandat en fin d'année, si la nouvelle Constitution est adoptée. Résultat, ce double scrutin est boycotté et contesté par une frange de la classe politique.
Pour les autorités, ce référendum propose une Constitution moderne, qui devrait notamment permettre de mieux ancrer la parité homme-femme et de marquer des avancées en matière sociale. Mais à peine annoncé, ce projet a suscité énormément de contestation.
Dès octobre, opposition et société civile se regroupent autour du Front commun pour la défense de la Constitution (FNDC). Avec un objectif : s'opposer à un éventuel troisième mandat du président sortant. Les journées de mobilisations du FNDC se soldent ponctuellement par des violences et des dégâts matériels : le FNDC déplore plus d'une trentaine de morts, de nombreux blessés et la multiplication d'"arrestations préventives" par les forces de sécurité.
En coulisse, chefs d'Etats ouest-africains et anciens compagnons de route du président Alpha Condé tentent de le convaincre de renoncer au référendum, qui cristallise toutes ces tensions. Mais en vain.
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