Selon un article publié par Guineenesw.org, le départ forcé de l’ancien président gambien Yahya JAMMEH s’est fondé sur un accord de 14 paragraphes qui offrent certaines garanties de protection à monsieur JAMMEH et ses proches ainsi qu’à leurs biens.
Certains observateurs soutiennent que monsieur Yahya JAMMEH aurait bénéficié d’une amnistie totale non seulement pour lui-même, mais aussi pour ses proches. Cependant, la lecture de l’accord en question m’a prouvé que Yahya JAMMEH et ses proches n’ont bénéficié d’aucune garantie particulaire plus que ce qu’un citoyen gambien ordinaire peut attendre de sa justice. Ils n’ont bénéficié d’aucun nouveau droit et le président JAMMEH reste un justiciable comme tout ancien président gambien, et ses proches aussi restent justiciables comme tout citoyen gambien de leur statut. Il est évident que le mot amnistie n’est même pas mentionné dans l’accord en question. On peut soutenir sans grand risque de se tromper que Yahya JAMMEH n’est à l’abri, ni de la justice gambienne, encore moins la Cour pénale internationale, malgré que la Guinée équatoriale, son pays d’exil ne soit pas membre de la CPI.
Pour justifier mes propos, il me semble important d’analyser les garanties offertes à Yahya JAMMEH par rapport à la justice gambienne d’une part(I) et d’autre part, par rapport à la Cour pénale internationale (II)
I- La nature des garanties offertes à Yahya JAMMEH sur le plan interne.
Il me semble important d’attirer l’attention des lecteurs sur un constat qui facilite la compréhension de cet accord. Selon cet accord, les protections et garanties dont bénéficient Yahya JAMMEH et ses proches sont celles qui sont déjà prévues par la Constitution et les lois gambiennes. Cet accord exige simplement que ces droits soient respectés et garantis pour Yahya JAMMEH et ses proches, rien de plus. Vous constaterez que pour tous les droits et garanties prévus par l’accord, la CEDEAO, l’UA et l’ONU s’engagent à collaborer avec le Gouvernement de la Gambie pour veiller à ce que ces droits soient respectés tel que « prévu » et garanti par la Constitution gambienne de 1997 et les autres lois de la Gambie. La référence absolue à la Constitution et aux lois gambiennes pour toutes les garanties offertes à Yahya JAMMEH à l’exclusion de toute autre norme, démontre que monsieur Yahya JAMMEH n’a bénéficié d’aucune nouvelle protection au-delà de celles qui étaient déjà prévues par la Constitution gambienne au bénéfice de tous les citoyens gambiens.
Pour répondre à la première question, j’ai décidé d’analyser les trois paragraphes de l’accord qui me semblent offrir les garanties et protections les plus importantes au président JAMMEH à savoir : le paragraphe 4, le paragraphe 8 et le paragraphe 13.
Paragraphe 4 de l’accord relatif à la protection des droits de Yahya JAMMEH : « 4. Pour ce faire, la CEDEAO, l’UA et l’ONU s’engagent à collaborer avec le Gouvernement de la Gambie pour veiller à assurer la dignité, le respect, la sécurité et les droits de l’ancien Président JAMMEH en tant que citoyen, Leader et ancien chef de l’État tel que prévu et garanti par la Constitution gambienne de 1997 et les autres lois de la Gambie. »
Analyse du paragraphe 4 de l’accord mentionné ci-dessus, relatif à la protection des droits de Yahya JAMMEH
Les garanties contenues dans le paragraphe 4 de l’accord relatives à la protection des droits de monsieur JAMMEH sont relatives à la « dignité, le respect, la sécurité et les droits de l’ancien Président JAMMEH en tant que citoyen, Leader et ancien chef de l’État ». Vous remarquerez que l’accord a tout simplement demandé que les droits de Babili Mansa soient protégés tel que prévu par la Constitution gambienne de 1997 et les lois de la Gambie, il n’est pas mentionné tel que prévu par un autre texte. L’accorde exige simplement que les dispositions de la Constitution et les lois gambiennes lui soient légalement appliquées y compris le bénéfice éventuel d’un procès juste et équitable. Cela nous démontre que le président JAMMEH n’a obtenu aucune nouvelle protection. Ses protections sont celles dont il bénéficie déjà comme tout citoyen gambien sur le fondement de la constitution gambienne. Mais attention ! Cette protection ne met pas monsieur JAMMEH à l’abri des poursuites judiciaires car, la constitution qui fonde les droits de monsieur JAMMEH, exige aussi que tout citoyen qui violerait la loi soit sanctionné et elle n’offre l’impunité à aucun citoyen. De ce fait, conformément aux dispositions combinées de cet accord et de la Constitution gambienne, le président JAMMEH et ses proches peuvent légalement faire l’objet de poursuite par la justice gambienne.
Paragraphe 8 de l’accord relatif à la protection des biens de Yahya JAMMEH : « 8. La CEDEAO, l’UA et l’ONU s’engagent à collaborer avec le Gouvernement de la Gambie pour empêcher la saisie des biens et propriétés appartenant légalement à l’ancien Président JAMMEH ou à sa famille et à ceux de ses membres du Cabinet, en vertu de la Constitution et d’autres lois de la Gambie ».
Analyse du paragraphe 8 de l’accord mentionné ci-dessus, relatif à la protection des biens de Yahya Jammeh
L’analyse du paragraphe 8 de l’accord démontre qu’il n’a créé aucun droit ou protection spécifique au profit de monsieur JAMMEH. La protection de ses biens et ceux de ces proches se limite selon cet accord, aux biens dont la propriété a été « légalement » acquise conformément à la constitution et aux lois gambiennes. De ce fait, tous les biens dont la propriété n’a pas été « légalement » obtenue, par exemple, qui découleraient des détournements de deniers publics et autres moyens illégaux, peuvent être saisis par la justice gambienne. Les biens de Yahya JAMMEH Babili Mansa n’ont bénéficié d’aucune protection particulière. Ils sont dans la même situation que les biens de tout citoyen gambien.
Paragraphe 13 de l’accord relatif à la liberté de Yahya JAMMEH de se retourner en Gambie à tout moment de son choix
« 13. La CEDEAO, l’UA et l’ONU collaboreront avec le Gouvernement gambien pour que l’ancien président JAMMEH soit libre de retourner en Gambie à tout moment de son choix, conformément au droit international des droits de l’homme et à ses droits de citoyen de la Gambie et un ancien chef de l’État ».
Analyse du paragraphe 13 de l’accord mentionné ci-dessus relatif à la liberté de Yahya JAMMEH de se retourner en Gambie à tout moment de son choix
Le paragraphe 13 de l’accord est consacré au droit de monsieur JAMMEH de « pouvoir revenir en Gambie au moment de son choix conformément au droit international des droits de l’homme et à ses droits de citoyen de la Gambie ». Avec ce terme : « conformément au droit international des droits de l’homme », ce paragraphe fait doublement référence au droit gambien du fait que toute convention internationale signée et ratifiée par un État devient une partie intégrante des normes de cet État. Comme tout citoyen gambien, la Constitution gambienne garantit déjà à Yahya JAMMEH le droit de revenir en Gambie au moment de son choix. Par contre, ce droit de revenir en Gambie ne signifie pas qu’il ne peut faire l’objet de poursuite judicaire. La constitution gambienne qui fonde ce droit ne prévoit nulle part qu’un Gambien ou un ancien chef d’État gambien qui décide de revenir dans son pays ne peut faire l’objet de poursuite judiciaire. L’accord non plus ne l’a pas prévu. Il a juste demandé que son droit de revenir dans son pays soit assuré tel que prévu par la constitution. Dans ce cas d’espèce, outre son droit de revenir en Gambie, Yahya JAMMEH peut même être obligé de revenir dans son pays pour éventuellement faire face à la justice.
Sur le fondement des analyses qui précèdent, on peut légitimement soutenir que le président Yahya JAMMEH et ses proches n’ont bénéficié d’aucune protection particulière au-delà de celle qui leur était garantie par la constitution gambienne. S’ils s’étaient rendus coupables des faits répréhensibles par la loi, rien dans cet accord ne leur permet d’échapper à la justice.
II. La nature des garanties offertes à Yahya JAMMEH sur le plan international
Bon nombre d’observateurs et commentateurs affirment qu’en choisissant la Guinée équatoriale comme pays d’exil, le président JAMMEH échapperait à la Cour pénale internationale du fait que ce pays n’est pas partie au Statut de Rome. Il me semble que ces affirmations ne peuvent résister à leur confrontation aux dispositions de cet accord, à la Constitution et aux lois gambiennes d’une part, mais aussi d’autre part, aux dispositions du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale(CPI).
L’analyse de l’accord qui a donné lieu au départ de Yahya JAMMEH sous la lumière à la fois des normes gambiennes et celles de la CPI, on peut aboutir à la conclusion que monsieur JAMMEH et ses proches ne sont absolument pas à l’abri de la Cour pénale internationale même en étant en Guinée équatoriale.
Il faut souligner que la Gambie est un pays partie à la Cour pénale internationale et qu’en 2016, le président JAMMEH avait manifesté sa volonté d’exercer le droit de retrait de son pays au Statut de Rome sur le fondement de son article 127, vraisemblablement pour se protéger de la CPI. Cependant, le même article 127 du Statut de Rome ne donne aucun effet rétroactif au retrait d’un pays. De ce fait, les crimes commis avant le retrait effectif du pays n’échappent pas à la compétence de la CPI.
La principale question est la suivante : n’étant pas un État partie au Statut de Rome, la Guinée équatoriale peut-elle refuser de livrer JAMMEH à la Cour pénale internationale ? La réponse dépendra de la procédure qui sera engagée. Si c’est l’État gambien ou la CPI qui engage la procédure pour des faits criminels comportant les éléments constitutifs de l’incrimination de crime contre l’humanité dans le sens de l’article 7 du Statut de Rome, la Guinée équatoriale qui n’est pas partie au Statut de Rome n’a aucune obligation de livrer monsieur JAMMEH. Par contre, dès qu’il se rendra dans un pays partie au Statut de Rome, il peut y être arrêté et mis à la disposition de la justice gambienne ou de la CPI.
Cependant, si la procédure est engagée par le Conseil de sécurité des Nations Unies sur le fondement des articles 2 et 13-b du Statut de Rome et en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dans ce cas, la Guinée équatoriale, en sa qualité de pays membre des Nations Unies, peut être dans l’obligation légale de prêter assistance afin de donner effet aux décisions prises par le conseil de sécurité, donc de livrer monsieur JAMMEH en vertu entre autres, des articles 41 et 49 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il est évident que la Guinée équatoriale n’est pas un bunker imprenable pour Dr Yahya Babili Mansa JAMMEH( Nianthio Balama de Kanilai).
Que peut-on dire d’un éventuel accord entre la CEDAO, l’UA, l’ONU et le nouveau président gambien qui garantirait l’impunité à Yahya JAMMEH ?
Il faut commencer par souligner que la validité d’une décision dépend de sa légalité et de la compétence matérielle de l’autorité dont elle émane. Un acte doit être prévu par la loi et doit être pris par une autorité compétente. Du fait que les lois gambiennes ne prévoient pas d’impunité pour les criminels d’une part, et que les textes fondateurs des organisations internationales impliquées dans la résolution de la crise gambienne (CEDEAO, l’UA, l’ONU) n’offrent aucune possibilité légale d’octroi de l’impunité aux citoyens criminels des pays membres d’autre part, on peut légitimement soutenir qu’un éventuel accord d’impunité signer par les représentants de ces organisations peut faire l’objet de contestation devant les juridictions compétentes, pour entre autres, illégalité et incompétence matérielle des auteurs de l’accord.
Que peut-on dire de la validité d’une éventuelle impunité qu’offrirait le président Adama BARROW à Yahya JAMMEH ?
En se souvenant que la légalité d’une décision dépend aussi de la compétence matérielle de l’autorité dont elle émane, on peut facilement se rendre compte que le président BARROW, même s’il le souhaitait, ne pourrait accorder l’impunité à Yahya JAMMEH .
Il est évident que dans tout pays où la séparation des pouvoirs est prévue par la constitution, le pouvoir exécutif ne peut légalement empiéter les compétences de l’autorité judiciaire. Le jugement des faits criminels sont de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire. Toute intervention du pouvoir exécutif (président de la République etc.) peut être attaquée entre autre pour illégalité et incompétence. En matière de répression des faits criminels, l’exécutif n’intervient que par la grâce présidentielle après jugement et condamnation des auteurs des faits. Il est utile de rappeler que le droit de grâce ne peut être exercé au bénéfice des auteurs des faits relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Donc, le président BARROW ne peut pas mettre monsieur JAMMEH à l’abri de la justice gambienne.
Que peut-on dire d’une éventuelle loi d’amnistie en faveur de JAMMEH ?
Certains observateurs ou supporteurs de monsieur JAMMEH peuvent imaginer une amnistie pour lui ; mais, est-ce possible ? Au risque de les décevoir, cette éventualité aussi est à écarter. L’amnistie est une mesure législative qui a pour effet entre autres, de « supprimer le caractère illégal des faits, même criminels commis sur une période donnée ». Mais attention ! Une loi d’amnistie ne peut concerner les crimes internationaux tels que les crimes contre l’humanité dont la répression n’est pas de la compétence exclusive des pays membres de la CPI. Le fait par un État de s’abstenir de juger les présumés criminels par quelque moyen que ce soit, y compris par la voie de l’amnistie, est un fait qui peut être qualifié de défaillance de l’État en question et qui déclenche la compétence de la Cour pénale internationale qui est subsidiaire à celle des juridictions nationales des pays membres.
En conclusion, et après analyse des faits et normes concernées par cet accord, on peut légitiment affirmer que l’ancien président gambien Yahya JAMMEH et ses proches n’ont obtenu aucune garantie particulière autre que celles qui sont reconnues à tout citoyen gambien. Ils restent sous les menaces tant de la justice nationale qu’internationale.
Cette situation ne traduit pas forcément la mauvaise foi des institutions internationales impliquées dans la résolution de la crise gambienne. Du fait que les négociateurs ne pouvaient pas accorder des garanties non prévues par les textes qui fondent l’existence et le fonctionnement des institutions qu’ils représentent, ils ne pouvaient qu’exiger l’application non arbitraire de la constitution et les lois gambiennes. Faute de mieux, on se contente de ce qui est possible car à l’impossible nul n’est tenu. .
Les dictateurs africains qui pensent pouvoir imiter le président JAMMAH à savoir, piller les deniers publics, violer les droits humains, massacrer les citoyens de façon extrajudiciaire, faire battre les opposants et journalistes à mort, se cramponner au pouvoir jusqu’à la dernière minute pour monnayer son départ contre l’impunité, doivent faire très attention car, le cas Yahya JAMMEH babili mansa n’est qu’à son tout début. L’un des négociateurs en l’occurrence le président Alpha Condé est prévenu.
MAKANERA Ibrahima Sory juriste guinéen chargé de cours de Droit à l’École supérieure de Commerce et de Gestion par alternance
Paris PPA – makanera2is@yahoo.fr
7 Commentaires
Max
En Janvier, 2017 (15:01 PM)Max
En Janvier, 2017 (15:01 PM)Anonyme
En Janvier, 2017 (15:23 PM)Xeme
En Janvier, 2017 (16:01 PM)Anonyme
En Janvier, 2017 (16:56 PM)J'ai l'expression que vous n' êtes pas sur la même longueur d'onde à votre président.
Anonyme
En Janvier, 2017 (16:56 PM)Makanera Ibrahima Sory
En Janvier, 2017 (18:22 PM)Il ne me semble pas important que j'aime ou pas les présidents Yahya JAMMEH et Alpha CONDE. Il faut juger mon article sur le plan juridique, me rectifier si je me trompe car, je ne prétends pas détenir la vérité absolue. Rassurez-vous que je ne suis pas impartial dans cette affaire. Je suis contre tous les dictateurs de l'Afrique y compris mon président Alpha Condé dont je suis l'un des opposants connus. Cependant, il n'est pas interdit qu'un opposant fasse des analyses. Ce qui lui incombe, c' est d'être impartial dans ses analyses et non pas dans sa position par rapport aux personnes concernées. Si mon analyse n'est pas juridiquement fondée, je vous prie de m'enrichir de votre connaissance.
Mes meilleures salutations à vous.
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