Le 23 novembre 2024, la Haute autorité de la communication (HAC) du Mali a pris la décision de fermer la chaîne de télévision privée Joliba TV News en lui retirant sa licence de diffusion.
Cette décision a été prise après qu'une plainte ait été déposée par le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso, en raison de propos jugés offensants diffusés dans l'émission Rendez-vous des idées de la chaîne.
Selon le CSC, ces propos auraient porté atteinte à la dignité d'un chef d’État étranger. Cette mesure a immédiatement soulevé un débat intense sur la liberté de la presse, la diversité des voix médiatiques et les relations diplomatiques, d'autant plus dans un contexte de tensions politiques et sociales au Mali.
La réaction à cette décision a été vive au sein des médias maliens. La Maison de la Presse et plusieurs autres organisations professionnelles ont dénoncé la fermeture de Joliba TV, la qualifiant de disproportionnée et d'atteinte à la liberté d’expression. Ces associations ont formé une commission ad hoc pour engager des discussions avec la HAC, dans l’espoir de revenir sur cette décision.
Par ailleurs, le président de l'Union nationale des journalistes du Mali (UNAJOM), Fakara Fainké, a souligné les répercussions sociales de cette fermeture, notamment pour les 45 employés de la chaîne qui risquent de perdre leur emploi. Cette situation vient aggraver une crise socio-économique déjà bien présente dans le pays, où de nombreuses familles sont déjà confrontées à de grandes difficultés.
L’opinion publique malienne est divisée à propos de la fermeture de Joliba TV. Une grande partie de la jeunesse malienne, qui soutient largement le pouvoir en place, perçoit cette décision comme un acte de défense de l'ordre et de la dignité nationale. Beaucoup parmi cette frange de la population considèrent que la chaîne, par ses propos jugés excessivement critiques, a franchi une ligne en portant atteinte aux relations diplomatiques du Mali, notamment avec ses voisins. Dans cette optique, la fermeture de la chaîne est vue par certains comme une mesure nécessaire pour protéger la stabilité et l’honneur du pays, d’autant plus que les relations diplomatiques sont cruciales dans le contexte actuel de crise politique et sécuritaire.
Cependant, d’autres, notamment des défenseurs de la liberté de la presse et une partie de l’opinion publique plus critique du gouvernement, estiment que cette décision marque un recul de la liberté d’expression et de la diversité des voix médiatiques. Joliba TV, connue pour sa capacité à donner la parole à toutes les couches de la société, y compris celles souvent marginalisées par les grands médias traditionnels, a attiré un public jeune et engagé.
Sa ligne éditoriale, qui n’a pas hésité à critiquer le gouvernement, a trouvé un écho chez ceux qui cherchent des alternatives à la presse étatique et subventionnée. Pour eux, cette fermeture constitue un coup porté à la pluralité de l'information et à la liberté de la presse, fondamentales dans une démocratie.
Ainsi, si la mesure trouve un certain soutien au sein de ceux qui jugent qu'elle répond à un besoin de préservation de l’ordre et de la dignité de l’État, elle fait face à une opposition notable parmi ceux qui estiment qu’elle porte atteinte aux principes de liberté et de démocratie. Ce débat révèle les fractures de l’opinion publique malienne.
La fermeture de Joliba TV soulève également des interrogations sur l'état de la démocratie au Mali, un pays déjà marqué par une instabilité politique et des tensions sociales. Pour de nombreux observateurs, cette décision s'inscrit dans une logique de restriction du pluralisme médiatique, et pourrait être perçue comme une tentative de réduire la liberté de la presse et de museler les voix dissidentes.
Certains soupçonnent que la HAC ait agi sous pression des autorités politiques, d’autant plus que plusieurs de ses membres sont des anciens journalistes ayant, par le passé, défendu la liberté de la presse. Ce paradoxe suscite des doutes sur la véritable motivation de cette mesure et sur ses répercussions à long terme sur l’environnement médiatique du pays.
Face à ce constat, les appels à une révision de la décision se multiplient. Les partisans de Joliba TV insistent sur le fait que la chaîne respectait les principes déontologiques du journalisme et qu'elle n'avait pas agi de manière malveillante. Ils estiment qu'une révision pourrait apaiser les tensions sociales et éviter un front de contestation plus large, qui pourrait se traduire par une crise médiatique de plus grande envergure.
En conclusion, la fermeture de Joliba TV soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la liberté de la presse au Mali. Alors que le pays traverse une crise politique et sécuritaire sans précédent, il devient impératif de préserver l'espace médiatique libre. Cette décision pourrait marquer un tournant pour la démocratie malienne et pour l’avenir du journalisme indépendant dans le pays, dont la survie dépend désormais de la capacité des autorités à reconnaître l'importance de garantir une presse diversifiée et libre.
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