Le jeudi 6 juin 2024, en fin de soirée, le Bénin via le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) Mario Mètonou, a annoncé l’arrestation de 5 ressortissants nigériens. Ils se seraient introduits sur le site (du terminal pétrolier de Sèmè-Podji (ville voisine de Cotonou), sans décliner leur identité ».
« Au lieu d’emprunter l’entrée principale et de s’enregistrer à la guérite, ces personnes ont préféré utiliser une entrée dérobée située à l’arrière du site » précise le procureur spécial.
Ils « ont indiqué qu’ils étaient tous des employés de Wapco Niger »
Elles auraient bénéficié de la "complicité de l’administrateur général de Wapco Bénin qui a pourtant reçu deux jours plus tôt, la lettre du ministre de l’Énergie à travers laquelle l’État béninois a exprimé de vives préoccupations sécuritaires". Pour justifier leur entrée « frauduleuse » sur le site, les ressortissants nigériens ont indiqué qu’ils étaient tous des employés de Wapco Niger dont ils arborent les badges. En cette qualité donc, ils n’avaient pas l’obligation de se présenter à la guérite.
À l’étape actuelle des enquêtes, indique M. Mètonou, il est « formellement établi qu’au moins deux parmi ces personnes sont des agents nigériens au service du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Ils se sont fait confectionner pour la circonstance de faux badges d’employés de Wapco Niger ».
À Niamey, ces cinq hommes arrêtés à Sèmè, sont présentés comme des inspecteurs nigériens. Ils sont entrés en terre béninoise en toute légalité dans le cadre des accords bilatéraux.
« Ces équipes étaient arrivées au Bénin régulièrement dans le cadre de leur mission »
Leur « interpellation viole tous les accords signés entre les parties prenantes, dont le Bénin sur le transport du brut et l’exploitation du pipeline » ont dénoncé les ministres nigériens du Pétrole et de la Justice, lors d’une conférence de presse organisée le vendredi dernier à Niamey. Ils rappellent que le jeudi 30 mai 2024, des inspecteurs nigériens envoyés au Bénin pour « contrôler les opérations de chargement du Melec sur le bateau ont été interpellés par l’armée béninoise puis transportés dans les locaux de la police. « Ces équipes étaient arrivées au Bénin régulièrement dans le cadre de leur mission. La société Wapco avait été informée et elle en avait informé les autorités béninoises tout comme lorsque le ministre béninois de l’Énergie, des Mines et de l’Eau était venu au Niger. Nous avions été prévenus par Wapco Niger. Si nous les avions accueillis comme les frères qu’ils étaient, au Bénin nos compatriotes ont été interpellés et arrêtés par les autorités », ont dénoncé les deux ministres.
À l’analyse, on remarque que le dialogue est rompu ou presque entre Cotonou et Niamey et que les Chinois via Wapco essaient de jouer aux équilibristes.
Wapco ne joue pas « franc-jeu, parce que la solution proposée par la partie chinoise »
Ils risquent avec cette posture de se mettre à dos le Bénin et le Niger parce que d’un côté, les Béninois parlent déjà de complicité entre l’administrateur général de Wapco-Bénin et les cinq Nigériens arrêtés. De l’autre côté, les autorités nigériennes trouvent que Wapco ne joue pas « franc-jeu, parce que la solution proposée par la partie chinoise c’est que les nigériens acceptent de ne pas être présents lors des opérations de chargement de leur pétrole sur la plateforme de Sèmè, « alors que le contrat qui est la loi de partie impose au Bénin, au partenaire et au Niger de se retrouver ensemble pour le contrôle ».
Niamey est persuadé que Cotonou ne veut pas que ses représentants assistent aux opérations de chargement du pétrole. C’est la raison pour « laquelle les autorités béninoises ont interpellé les représentants nigériens et les ont mis aux mains de la police, en laissant les Chinois, les autres partenaires, libres de leur mouvement ».
Il ne peut pas avoir d’échanges informels entre le Niger et le Bénin
On est tenté d’adhérer au discours du Niger, surtout après la proposition faite par Wapco à la junte. Rappelons que le Bénin avait dans un premier temps refusé d’autoriser les navires à mouiller dans ses eaux territoriales pour charger le pétrole nigérien si la junte au pouvoir à Niamey ne formalise pas les échanges économiques avec Cotonou en ouvrant ses frontières. Entretemps, le président Talon a finalement assoupli sa position en autorisant Wapco à poursuivre ses activités sur le terminal pétrolier de Sèmè-Podji. Ces déconvenues rencontrées par les représentants de Niamey pourraient bien être un moyen trouvé par le Bénin pour maintenir la pression sur le Niger qui rechigne toujours à ouvrir ses frontières.
Si c’est réellement l’intention des autorités béninoises, elles n’auraient pas totalement tort, parce que comme le disait Patrice Talon, il ne peut pas avoir d’échanges informels entre le Niger et le Bénin à propos des opérations sur le terminal pétrolier de Sèmè-Podji.
Ils sont tous perdants
De toutes les façons, personne ne sortira gagnant de cette tension entre Cotonou et Niamey, surtout si la junte décide de fermer le robinet de son brut à partir de la station initiale de Koulélé, en représailles à l’arrestation de ses représentations comme elle l’a annoncé. Wapco va subir d’importantes pertes, tout comme le Niger. Le Bénin aussi ne s’en sortira pas indemne puisqu’il ne touchera pas les droits de douane.
Les autorités nigériennes doivent surtout éviter de se tirer une balle dans le pied. Elles doivent garder à l’esprit que la partie chinoise leur a déjà versé une avance de 400 millions de dollars sur la vente de son pétrole brut. Il faut que pour une fois, la raison soit nègre.
3 Commentaires
Diali
En Juin, 2024 (20:19 PM)Lebaolbaol Tigui
En Juin, 2024 (21:03 PM)Participer à la Discussion