Il ne manquait plus que ça... dimanche à 16h, lorsque la pluie s’est abattue dans ce quartier d’Abobo (commune populaire du nord d’Abidjan), il a bien fallu se rendre à l’évidence : cette journée de vote ne restera sûrement pas dans les annales. Une quarantaine de votes dans tel bureau, une cinquantaine dans celui-là, à peine une trentaine dans cet autre...
À Abobo comme à Marcory, Treichville ou encore Koumassi, les élections législatives ivoiriennes n’auront pas déplacé les foules. « C’est leur élection, ce n’est pas la nôtre », explique ce père de famille abobolais, qui n’a pas jugé nécessaire de « gaspiller son carburant » et son temps pour voter pour « des gens qui ne se souviennent d’(eux) que lors des élections. Il faut qu’ils entendent notre silence cette fois-ci ».
Il a voté Alassane Ouattara en 2010 et 2015, mais ne votera pas cette fois-ci pour la réélection de la liste conduite par le candidat du RHDP (la coalition au pouvoir), le député, maire (depuis bientôt seize ans) et ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, Adama Toungara.
« Les gens se disent qu’il n’y a pas vraiment d’enjeu ou que les jeux sont déjà faits, explique cette directrice d’un bureau de vote du quartier Kennedy d’Abobo. À peine y a-t-il un peu plus d’influence que lors du référendum sur la nouvelle Constitution il y a quelques semaines. Les candidats ont été imposés sans une véritable consultation des bases militantes, donc pourquoi voulez-vous que les gens se déplacent ? »
Couacs logistiques
Si l’élection s’est correctement déroulée dans cette commune, quelques couacs logistiques étaient tout de même a déplorer : ouverture tardive des bureaux de vote, isoloirs pas très isolants, électeurs ne retrouvant pas leurs noms sur les listes, tensions entre des représentants de candidats ou scrutateurs et des coordinateurs de la CEI (Commission électorale indépendante)… Comme dans ce bureau de vote près de la mairie d’Abobo, où un coordinateur a tout simplement demandé aux scrutateurs d’envoyer des sms aux habitants de la commune pour leur rappeler leur d’aller voter, tout en oubliant de leur fournir de quoi acheter du crédit téléphonique….
Même colère froide, dans la commune résidentielle de Cocody, où la députée sortante Yasmina Ouégnin (PDCI, qui concourt en indépendante), affrontait la ministre RDR de la Communication Affoussiata Bamba Lamine. Ici, si l’affluence n’était pas non plus au rendez-vous, les représentants des candidats, eux, sont bel et bien là, concentrés, pour ce qui s’annonce depuis des mois comme l’une des batailles les plus serrées. « On n’a pas fait le plein à Cocody mais je suis sûre qu’on a un peu plus voté ici que dans les autre communes d’Abidjan, car ici il y avait un vrai enjeu, presque national », sourit l’observateur de la Candidate Ouégnin.
À 18h, à la fermeture des bureaux de vote, le dépouillement est rapidement réalisé et les PV envoyés aux différents QG de campagne. Certains représentants prennent tout en photo (PV, résultats sur les tableaux noirs, etc.), quand d’autres ne quittent pas les urnes des yeux et tiendront à faire partie des escortes de celles-ci, jusqu’au siège de la CEI (Commission électorale indépendante). Pas question de se faire « voler » une potentielle victoire, dit-on.
L’enveloppe de la discorde
Au lycée Sainte-Marie de Cocody, où le Chef de l’État a voté le dimanche matin, on a cependant frôlé l’incident entre scrutateurs en fin de journée. En cause ? Une enveloppe de 100 000 FCFA que l’ancienne Première Dame, Henriette Konan Bédié, venue elle aussi voter dans ledit bureau de vote aurait laissé pour encourager des scrutateurs, qui n’ont visiblement pas trouvé de terrain d’entente pour se la partager.
Dimanche soir, si le taux de participation global du scrutin n’avait pas encore été annoncé, il semblait toutefois évident que la faible mobilisation à Abidjan et dans de nombreuses régions du sud du pays serait contrebalancée par une forte mobilisation dans les régions du nord. Les premières estimations dans les fiefs du Secrétaire général à la Présidence Amadou Gon Coulibaly, à Khorogo ou de celui du Président sortant de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, à Ferkessédougou, indiquent déjà de très forts taux de participation et des scores à la soviétique.
Quel sera le nouveau visage de cette nouvelle Assemblée ? Sera-t-il plus représentatif ? La fraction du FPI (Front populaire Ivoirien) de l’ex-président Gbagbo, dirigée par Pascal Affi N’Guessan, qui effectue son grand retour dans les urnes, va-t-elle gagner son pari ? Les indépendants et dissidents des partis, qui se sont présentés en grand nombre (plus de 600) vont-ils faire tomber des pontes du RDR ou du PDCI ? Autant de questions que cette mobilisation disparate n’aide pour le moment pas à résoudre.
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