En République démocratique du Congo, les conditions de détention dans les prisons inquiètent. Avant même l’épidémie de coronavirus, des dizaines de morts avaient été enregistrés, faute de soins et manque de nourriture. Et malgré les annonces de libération de prisonniers, l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch estime que ces mesures sont insuffisantes, comme l’explique Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale.
Lewis Mudge : Le gouvernement a reconnu assez tôt qu’il fallait procéder à des remises en liberté pour réduire la population carcérale face aux risques posés par le Covid-19. Et c’est très important en effet. Ceci dit, il va falloir libérer encore plusieurs milliers de détenus pour que l’impact soit réel.
Imaginez-vous que 71% des prisonniers au Congo n’ont jamais été jugés ou sont encore en détention provisoire, c’est incroyable. Depuis la fin du mois dernier, le gouvernement a libéré un peu plus de 2 000 personnes. Mais si vous prenez Makala, par exemple, 800 prisonniers ont retrouvé la liberté. Il faut aussi noter que près de 450 personnes récemment arrêtées ont été transférées à la prison pendant la même période. Au final, la surpopulation continue.
RFI: Ce qui semble grave en cette période de Covid-19, c’est que les familles ne peuvent plus visiter les détenus. Or ce sont eux qui apportent la nourriture.
Le gouvernement a même interdit les dépôts de colis de nourriture. On comprend les inquiétudes de possible transmission de virus, mais cela ne peut pas marcher dans un contexte où les prisonniers dépendent complètement de ces colis et repas apportés par les familles. Les prisons sont à plus de 400% de leur capacité ou même parfois à 600% comme à Goma. Donc, leur budget ne leur permet pas de nourrir tous les prévenus. Donc, il faut trouver une solution pour que les familles puissent livrer ces repas.
Il y a toujours un problème de financement des prisons. Les budgets prévus par l’État ne sont pas toujours versés et c’est ce que vous relevez dans votre rapport.
Les décaissements de fonds alloués sont un problème récurrent au Congo où les prisons devraient acheter la nourriture et les médicaments pour les détenus. Au dernier trimestre 2019, les fonds alloués n’ont pas été versés et au début 2020, on voit les conséquences directes. À Makala, par exemple, il y a au moins 60 détenus qui sont morts de faim en janvier et février. On risque de se retrouver dans la même situation très bientôt. Puisque les prisons n’ont pas touché un centime depuis janvier. Il faut absolument que le gouvernement débloque cet argent.
Les avocats se plaignent aussi de ne pas pouvoir accéder aux prisons.
Quelles que soient les circonstances, même en temps de pandémie, les détenus doivent pouvoir communiquer avec leurs avocats. Donc le gouvernement doit rapidement réfléchir à des solutions alternatives. Mise à disposition de téléphones, par exemple, avec bien sûr des moyens de désinfection. Ou peut-être la mise en place d’un système de visite.
“If the coronavirus reaches Makala, there will be no one left.” - detainee in Kinshasa's central prison, which is at 461% capacity, with hundreds of inmates crammed in together and no beds. Prisons in eastern #Congo are over 600% capacity. @hrw https://t.co/4fR3wskeOf pic.twitter.com/oYRjS3Rcdf
— Ida Sawyer (@ida_sawyer) April 17, 2020
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