Le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a prêté serment jeudi avec deux mois d'avance sur la date prévue, après le décès soudain de son prédécesseur Pierre Nkurunziza. Il prend en mains les destinées d'un pays divisé, isolé, appauvri et confronté à l'épidémie de Covid-19.
Évariste Ndayishimiye a prêté serment dans le stade Ingoma de Gitega, la capitale administrative du pays, jeudi 18 juin. "Je jure fidélité à la Charte de l'Unité nationale, à la Constitution de la République du Burundi, et à la loi...", a déclaré le nouveau chef de l'État.
En raison de la situation sanitaire, les autorités avaient demandé au public de se présenter assez tôt pour se plier aux mesures sanitaires mises en place, comme le lavage des mains et la prise de température. Aucun chef d'État étranger n'a pu y assister.
Mais la distance de sécurité, fixée à 70 cm entre les personnes, était loin d'être respectée. Et à part quelques officiels, quasiment personne ne portait de masque. Le nouveau président lui-même avait le visage découvert.
Élu à la présidentielle du 20 mai, Évariste Ndayishimiye devait initialement prendre ses fonctions le 20 août, à la fin du mandat de Pierre Nkurunziza. Le décès soudain de ce dernier le 8 juin, à l'âge de 55 ans après 15 années au pouvoir, a changé la donne.
Pour éviter une période d'incertitude qui aurait pu déstabiliser le Burundi, dont l'histoire est jalonnée de crises politiques meurtrières et d'une longue guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006), le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, a décidé d'accélérer la transition.
"Poursuivre l'oeuvre" de Pierre Nkurunziza
La Cour constitutionnelle, acquise à l'exécutif, a donc ordonné que Évariste Ndayishimiye débute son mandat de sept ans le plus tôt possible, sans période d'intérim. À sa mort, qui l'avait présenté comme son "héritier", le général Ndayishimiye s'est engagé à "poursuivre son oeuvre".
Le nouveau chef de l'État est l'un des acteurs clés d'un pouvoir qui a mené une répression meurtrière ayant fait plus de 1 200 morts et conduit 400 000 Burundais à l'exil, après la candidature controversée de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat en avril 2015.
Il n'a pas empêché les exactions à l'encontre des opposants, militants des droits de l'Homme et journalistes indépendants, commises notamment par les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD. Malgré tout, il n'a pas personnellement été mis en cause dans de tels abus, et est perçu comme plus tolérant que son prédécesseur et ne faisant pas partie de la frange la plus intransigeante du régime.
L'ombre des généraux
La disparition de Pierre Nkurunziza, qui devait rester très influent, pourrait lui donner les coudées un peu plus franches. Mais les analystes s'interrogent sur sa capacité à s'affranchir du groupe de généraux qui détiennent la réalité du pouvoir et à réconcilier un pays encore traumatisé par la crise de 2015.
S'il cherche à réformer, "il risque de se heurter à des obstacles, à des réticences de la part de ces généraux qui ont intérêt à se protéger", prévoit Carina Tertsakian, de l'Initiative pour les droits humains au Burundi.
Lors de la cérémonie d'investiture, l'archevêque de Gitega, Mgr Simon Ntamwana, qui s'était publiquement opposé en 2015 au troisième mandat de Pierre Nkurunziza, a appelé le nouveau président à ramener "la paix entre les Burundais".
La communauté internationale, dont les principaux bailleurs de fonds du Burundi (UE, Belgique, Allemagne...), qui depuis 2015 lui imposent des sanctions, paraît prête à laisser sa chance à Évariste Ndayishimiye.
Il a lancé quelques signes d'ouverture à son intention et pourrait chercher à sortir son pays de son isolement, si préjudiciable sur le plan économique.
Le Burundi, 3e pays le plus pauvre
Le Burundi est classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde par la Banque mondiale, qui estime que 75 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 65 % à l'arrivée au pouvoir de Pierre Nkurunziza en 2005.
Évariste Ndayishimiye avait promis lors de la campagne de faire de l'éradication de la pauvreté et du développement du pays sa priorité.
Son premier défi sera toutefois l'épidémie de coronavirus. Pierre Nkurunziza avait maintenu les élections et refusé de confiner la population, en assurant que le Burundi en était protégé par la "grâce divine".
Mais les Burundais se demandent aujourd'hui si l'ex-président, qui selon une source médicale contactée par l'AFP était en "détresse respiratoire" au moment de sa mort, n'a pas lui-même succombé à cette maladie.
Le Burundi a officiellement recensé 104 cas de Covid-19 pour un seul décès. Ce bilan laisse sceptiques bien des médecins, selon lesquels de nombreux cas et décès de personnes présentant les symptômes du virus ont été exclus des chiffres officiels.
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