Chanteur de ragga devenu personnalité phare de l’opposition politique ougandaise, icône anti-gouvernement, jouissant d’un large soutien populaire, Bobi Wine est inculpé pour trahison. Il dit avoir été torturé en prison. Portrait.
Sur les réseaux sociaux comme dans les rues de Kampala, les nombreux soutiens de Bobi Wine avaient exulté, le 23 août au matin, croyant libre leur leader politique. L’enthousiasme a duré quelques minutes seulement. D’abord disculpé par un tribunal militaire de Gulu, dans le nord de l’Ouganda, pour détention illégale d’armes, le député-star âgé de 36 ans a été de nouveau arrêté par la police, cette fois pour trahison. Une accusation passible de la peine de mort.
Bobi Wine au tribunal militaire de Gulu, en Ouganda, le 23 août 2018.
Un tribunal civil a décidé de maintenir en détention Bobi Wine, et ce jusqu’au 30 août, date à laquelle il comparaîtra en compagnie de dizaines d’autres personnes inculpées pour le même motif. Il n’est pas le seul opposant à connaître ce sort. À ses côtés, trois autres députés ont été conduits en prison. Deux figures de l’opposition ont fait savoir qu’elles avaient été arrêtées, jeudi 23 août, par les forces de l’ordre, notamment Kizza Besigye, quatre fois challenger malheureux du président Yoweri Museveni au scrutin suprême.
L’emprisonnement de Robert Kyagulanyi Ssentamu, plus connu sous le pseudonyme Bobi Wine, remonte au 14 août, lorsqu’il fait le voyage à Arua, dans le nord-ouest de l’Ouganda, où a lieu un rassemblement de campagne électorale en faveur de Kassiano Wadri, qu’il soutient. Coïncidence du calendrier, c’est dans cette même ville que le président Museveni a également fait le déplacement pour épauler un candidat de sa propre majorité. Au moment où il quitte la ville, le convoi présidentiel est malmené par des manifestants, la police dit avoir essuyé des jets de pierre. Des balles sont tirées par les forces de l’ordre. Bobi Wine publie sur Twitter une photo d’un homme mort et ensanglanté à l’avant d’une voiture, avec la mention : "La police a tiré sur mon chauffeur en pensant me cibler". Le député-star est arrêté le lendemain.
Mue en politicien sérieux
Cette ancienne star du ragga ougandais, assumant autrefois un style bling bling dans des clips tapageurs, a coupé ses dreadlocks et revêtu un sobre costume de ville pour devenir un héros vénéré dans le quartier populaire de Kyadondo Est, en périphérie de Kampala. Il se fait élire en juin 2017, battant autant l’opposition historique que la majorité gouvernementale.
Avec son slogan de campagne "people power, our power" et son surnom de "président du ghetto", il se fait le porte-parole des plus pauvres et de la jeunesse. Ses slogans politiques sont ficelés en chansons. Son charisme d’orateur, affiné par une formation de "leadership" prodiguée par l’université américaine Harvard, fait mouche. Son récent diplôme de droit de l’université de Kampala parfait sa mue en politicien sérieux, avec lequel il faut désormais compter.
Sa renommée grandit lorsqu’il s’oppose en 2017 à la réforme constitutionnelle qui ouvre la possibilité au président Museveni, au pouvoir depuis 1986, de briguer un nouveau mandat. Coiffé d’un béret rouge au milieu d’une opposition également vêtue de rouge, Bobi Wine s’illustre dans une altercation musclée avec les députés de la majorité. Le député mène ensuite bataille contre la hausse du coût de la connexion internet, qu’il dénonce comme une velléité politique de couper court aux mobilisations populaires qui émergent sur le Web.
L’intérêt pour ce chanteur mué en politicien n’a pas échappé à Bill Gates, qui l’a invité à New York, en automne 2017, pour sa conférence annuelle "Global Citizen Week". Aujourd’hui, son arrestation devient une affaire internationale, à laquelle les États-Unis et l’Union européenne ont réagi. Une pétition en faveur de sa libération a été signée par de grands noms de la scène artistique mondiale. Le mot-dièse #FreeBobiWine se répand sur Twitter. À Kampala, en début de semaine, des manifestations en faveur de sa libération laissent éclater des échauffourées avec les forces de l’ordre.
La réputation de ce jeune leader s’est propagée jusqu’au Kenya, où il bénéficie du soutien de plusieurs figures politiques, notamment du jeune député Babu Owino qui appelle à la démission de Museveni. Un concert en plein air a été donné dans la capitale Nairobi, la veille de sa comparution devant le tribunal militaire.
D’opposant triomphant, Bobi Wine se présente désormais en victime de violences policières. Lorsqu’il est apparu en public, le 23 août, le jeune député était visiblement affaibli, porté à bout de bras par ses avocats, marchant à l’aide d’une canne, saluant d’un poing levé les supporters venus l’ovationner. Son avocat affirme qu’il a été torturé durant sa détention. Le gouvernement nie toute maltraitance policière et renvoie la responsabilité de ses blessures aux échauffourées du 14 août. Les avocats de Bobi Wine ont malgré tout obtenu du juge qu’il soit soigné en prison et ils ont annoncé vouloir "coopérer avec la justice autant que possible et continuer à nous battre". Bobi Wine a jusqu’au scrutin de 2021 pour parfaire son image d’icône et se laisser pousser des ailes présidentielles.
6 Commentaires
Anonyme
En Août, 2018 (19:24 PM)Anonyme
En Août, 2018 (19:59 PM)Pareil, ici au Sénégal nous vivons la même chose ! Mais dit faut pas le dire.
Aziz
En Août, 2018 (22:52 PM)Maurice
En Août, 2018 (12:43 PM)Anonyme
En Août, 2018 (17:32 PM)Anonyme
En Août, 2018 (18:32 PM)ces traitres africain qui sont financés par les occidentaux ennemi de notre developpement
qui ne cherche qu'a destabiliser nos pays
de part ces ongs son parvenu a nous infiltrer
maintenant c'est de l'éclavage intellectuel
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