Le Conseil souverain, censé mener la transition pendant un peu plus de trois ans au Soudan, a prêté serment mercredi. L'économiste Abdallah Hamdok a par ailleurs été investi Premier ministre.
La transition vers un pouvoir civil au Soudan est en marche. Née de l'accord historique entre les militaires et la contestation, elle a concrètement pris corps mercredi 21 août avec l'intronisation du Conseil souverain. Puis l'économiste Abdallah Hamdok a été investi Premier ministre dans la soirée. Il devra mener un gouvernement de transition dans ce pays dirigé durant trente ans, jusqu'au 11 avril dernier, par le général aujourd'hui destitué Omar el-Béchir.
Le Conseil souverain remplace ainsi le Conseil militaire de transition. Le pays n'est désormais plus exclusivement dirigé par des militaires, pour la première fois en trois décennies, même si l'armée doit dans un premier temps conserver la tête de la nouvelle instance.
Le général Abdel Fattah al-Burhan a prêté serment
Sans surprise, le chef du Conseil militaire sortant, le général Abdel Fattah al-Burhan, a prêté serment comme président du nouveau Conseil souverain peu après 11 h (9 h GMT).
Vêtu de son uniforme militaire et coiffé de son habituel béret vert, il a été intronisé lors d'une courte cérémonie, une main sur un exemplaire du Coran et un bâton de maréchal sous le bras. Les autres membres de la nouvelle instance – composée de six civils et cinq militaires – ont prêté serment peu après.
La nouvelle phase qui s'ouvre au Soudan va nécessiter des "efforts concertés du peuple pour s'unir et construire un État fort", a-t-il déclaré, appelant à une démocratie pluraliste.
Selon les termes de l'accord officiellement signé samedi, le général Abdel Fattah al-Burhan sera aux manettes du Conseil pendant 21 mois et un civil lui succédera pour le reste des 39 mois de transition prévus.
La formation de cette instance survient après des mois de manifestations réclamant un pouvoir civil, sur fond de crise économique.
Défis intérieurs et extérieurs
Le chemin reste semé d'embûches. Le Conseil souverain, qui comprend deux femmes, dont l'une est issue de la minorité chrétienne, devra superviser la formation du gouvernement – une annonce est prévue le 28 août – et d'un Parlement de transition. Il devra aussi tenter de sortir le pays de son isolement sur la scène internationale.
Le Soudan a souffert de dizaines d'années de sanctions américaines. En 2017, l'embargo économique a été levé mais Washington maintient le pays sur la liste noire des "États soutenant le terrorisme".
En outre, l'Union africaine a suspendu le Soudan de l'organisation panafricaine en juin, quelques jours après la dispersion meurtrière d'un sit-in des protestataires à Khartoum.
Selon un comité de médecins proche de la contestation, 127 personnes avaient été tuées le 3 juin lors de cette répression devant le siège de l'armée. Ce bilan atteint plus de 250 morts sur l'ensemble des huit mois de révolte, d'après la même source.
Sur le plan intérieur, les nouvelles autorités auront la lourde tâche de redresser une économie exsangue et de pacifier un pays encore marqué par plusieurs conflits.
L'intronisation du nouveau Conseil a été bien accueillie dans la rue mais des habitants ont averti qu'ils resteront vigilants.
Le procès d'Omar el-Béchir s'est ouvert
"Si le Conseil ne répond pas à nos aspirations et ne sert pas nos intérêts, nous n'hésiterons pas à faire une autre révolution", a mis en garde Ramzi al-Taqi, un vendeur de fruits. "Nous renverserons le Conseil tout comme nous l'avons fait avec l'ancien régime."
Les nouvelles institutions se mettent en place au moment où s'est ouvert le procès d'Omar el-Béchir, porté au pouvoir par un coup d'État et qui a dirigé le pays pendant 30 ans.
Il a comparu lundi devant un tribunal de Khartoum, pour répondre d'accusations de corruption. Selon des enquêteurs, il a reconnu avoir perçu 90 millions de dollars en espèces de l'Arabie saoudite, hors budget de l'État.
Son procès ne concerne toutefois pas les accusations de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et de génocide dans la région du Darfour (ouest) pour laquelle le recherche la Cour pénale internationale (CPI) depuis une décennie.
Amnesty International a exhorté Khartoum à ratifier le Statut de Rome de la CPI, ce qui permettrait de transférer Omar el-Béchir devant ce tribunal.
Malgré l'euphorie, des craintes subsistent dans le camp de la contestation en raison notamment de l'omniprésence de Mohamed Hamdan Daglo, chef d'une redoutée force paramilitaire, qui a été nommé au Conseil souverain.
Depuis avril, il était numéro deux du Conseil militaire de transition, et c'est lui qui a cosigné samedi l'accord avec la contestation.
Ses Forces de soutien rapide (RSF) sont accusées d'implication dans la répression de la contestation, et de crimes au Darfour sous le régime d'Omar el-Béchir.
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