La Haute Cour du Kenya a refusé vendredi d'abroger les lois criminalisant l'homosexualité, arguant qu'elles n'étaient pas contraires à la Constitution. Un coup dur pour la communauté LGBT largement stigmatisée dans le pays.
Au Kenya, être homosexuel est un crime. Et cela ne changera pas de sitôt. La Haute Cour du Kenya a refusé vendredi 24 mai d'abroger les lois criminalisant l'homosexualité, douchant ainsi les espoirs de la communauté LGBTQ, qui estime que ces sections du code pénal entretiennent la haine des homosexuels dans un pays où ils sont encore largement stigmatisés.
Les plaignants, des associations de défense des droits des homosexuels, espéraient que le Kenya emprunterait la voie choisie par certains pays africains qui ont décriminalisé l'homosexualité, sur un continent où elle reste illégale dans plus de la moitié des États.
Mais un panel de trois juges de la Haute Cour en a décidé autrement, axant son jugement principalement sur la culture traditionnelle kényane et la définition de la famille telle que formulée dans la Constitution de 2010, adoptée par référendum. "Nous estimons que les sections contestées (du code pénal) ne sont pas inconstitutionnelles", a déclaré la juge Roselyne Aburili, devant une salle d'audience bondée dans laquelle avaient notamment pris place des couples homosexuels se tenant la main et brandissant des drapeaux arc-en-ciel.
Deux sections du code pénal visées
Les plaignants demandaient l'invalidation de deux sections du code pénal, datant de la colonisation britannique, qui criminalisent l'homosexualité et violent selon eux leur droit à la dignité. L'une prévoit que quiconque a une "connaissance charnelle... contre l'ordre naturel" peut être emprisonné pour 14 ans, tandis que l'autre prévoit cinq ans de prison pour les "pratiques indécentes entre hommes".
La juge Aburili a considéré que même si les plaignants ne réclamaient pas le droit de se marier avec une personne du même sexe, l'abrogation des lois contestées entraînerait inévitablement la cohabitation de couples homosexuels et "ouvrirait indirectement la porte à des unions entre personnes du même sexe".
Elle a estimé que la question de l'homosexualité avait été évoquée au moment de la rédaction de la Constitution et que l'article 45 portant sur la définition de la famille spécifie notamment que "chaque adulte a le droit de se marier avec une personne du sexe opposé". "Le désir des Kényans est reflété dans la Constitution", a-t-elle conclu.
À l'issue du jugement, plusieurs couples homosexuels se sont étreints, essuyant quelques larmes. Les plaignants n'ont pas encore indiqué s'ils comptent interjeter appel.
"Des lois archaïques"
La Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, Michelle Bachelet, a immédiatement exprimé sa "déception". "Criminaliser des actes visant certains individus sur la base de qui ils sont et qui ils aiment est intrinsèquement discriminatoire" et "encourage l'hostilité, voire la violence, contre les LGBT", a-t-elle jugé. L'ONG Human Rights Watch a elle dénoncé des lois "archaïques" et estimé que les juges ont "relégué" les homosexuels "au rang de citoyens de seconde classe".
De leur côté, les associations opposées à la décriminalisation de l'homosexualité ont affiché leur satisfaction. À l'extérieur du tribunal, une chorale chrétienne a entonné des chansons et brandi une bannière affirmant notamment : "Dieu l'interdit et nous y disons non !"
Vingt-huit pays sur 49 en Afrique subsaharienne ont des lois pénalisant les relations homosexuelles, selon Neela Ghoshal, une chercheuse de Human Rights Watch spécialisée dans les droits des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels. La peine de mort est même prévue, selon la loi islamique, en Mauritanie, au Soudan et dans le nord du Nigeria, même si aucune exécution n'a été officiellement enregistrée ces dernières années.
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