Au Burkina Faso, cela fait vingt-et-un ans que le journaliste d’investigation Norbert Zongo et les trois personnes qui l’accompagnaient ont été assassinés à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou. Le décret d’extradition de François Compaoré, frère cadet de Blaise Compaoré soupçonné dans cette affaire, sera bientôt signé selon l’ambassadeur de France à Ouagadougou.
Comme chaque année, les organisations de défense des droits de l’homme et les journalistes ont encore manifesté. Dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes. Rassemblement à la Bourse du travail avec toujours le même slogan depuis l’assassinat du journaliste et de ses compagnons : « Vérité et justice ».
Les autorités judiciaires du Burkina avaient obtenu de la justice française une décision favorable à l’extradition du frère cadet de l’ancien président, qui est soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat du journaliste. Norbert Zongo enquêtait sur l’assassinat de son chauffeur, David Ouedraogo.
Le collectif en lutte contre l’impunité depuis 1998 exige aujourd’hui que la France clarifie sa position sur l’extradition de François Compaoré, frère cadet de l’ex-président burkinabè. « Nous demandons de nous clarifier et surtout de nous rassurer quant à l'effectivité de cette extradition de François Compaoré, un des derniers verrous à faire sauter pour faire des bonds en avant dans l'examen de ce dossier qui n'a que tant duré », résume Chrisogone Zougmorré, président du collectif.
Nous avons le sentiment que la justice française a fait son boulot. Par contre, nous avons le sentiment que le gouvernement français traîne des pieds pour prendre le décret d'extradition de François Compaoré. [...] La jutsice burkinabè a prouvé ses capacités à juger cette affaire avec impartialité
Abdoulaye Diallo, du Centre national de presse Norbert Zongo
« Des garanties juridiques »
C’est le 29 octobre 2017 que le bras de fer de François Compaoré avec la justice française débute. Ce jour-là, il est arrêté à Paris sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par Ouagadougou. Pendant près de deux ans, ses avocats multiplient les procédures pour contester ce mandat et la demande d’extradition. Mais finalement, le 4 juin dernier, la Cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire, valide l’extradition. Le feu vert de la justice est donné, la main passe alors à l’exécutif, car c’est le Premier ministre qui signe les décrets d’extradition. Or, six mois plus tard, ils sont nombreux au Burkina et en premier lieu le procureur du Faso à s’interroger sur ce qui pourrait bloquer. D’autant que fin 2017, le président Macron avait déclaré à Ouagadougou qu’il ferait « tout pour faciliter » cette extradition.
Luc Hallade, l’ambassadeur de France au Burkina Faso, assure que le décret d’extradition de François Compaoré sera bientôt pris. Il l’a dit à une délégation des organisations professionnelles de médias qui s’est rendue à la représentation diplomatique pour exprimer son indignation face à la lenteur dans le traitement du dossier du côté de la France. « Ce décret d'extradition sera pris conformément à ce que la justice a décidé. Simplement on se donne quelques garanties juridiques du fait que ce décret puisse être exécuté dans les meilleures conditions. »
Selon le diplomate français, une partie de son mandat au Burkina Faso est de faire en sorte que cette question d’extradition de François Compaoré soit réglée dans les meilleurs délais.
Mais même si ce décret est finalement signé, il restera un recours à François Compaoré : saisir le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française cette fois. Son rôle : vérifier que le décret est conforme au droit français et à la convention européenne des droits de l’homme. Il peut ainsi décider de l’annuler, par exemple, si la personne visée risque la peine de mort. L’abolition de la peine capitale en mai 2018 au Burkina avait été ainsi lue par certains comme une mesure préemptive pour éviter cet écueil. Autre motif d’annulation possible : si le Conseil d’État estime que la demande d’extradition a une motivation politique. Un argument que les avocats de François Compaoré martèlent déjà et ne manqueraient donc pas d’utiliser.
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